Jeudi 9 Décembre 2010
Livres
Nadia SendinNaissance d'un pont de Maylis de Kerangal aux éditions Verticales :
Naissance d’un pont de Maylis de Kerangal :
L’auteur relate la grande épopée de la construction d’un pont dans la ville imaginaire de Coca en Californie, entrecoupée par les campagnes écologiques voulant d’interrompre le chantier, les grèves des ouvriers, les tentatives de sabotage et les histoires d’amour.
Ce pont dessiné par Ralph Waldo, qui en est l’architecte, se définit comme « un simple jeu de proportions rapporté aux harmoniques de l’espace, la perception d’un franchissement plus que celle d’un pont, une singularité optique. » Ce pont doit garantir à la ville son indépendance énergétique en éthanol en s’approvisionnant dans les vallées fertiles de l’autre rive.
Outre la conversion de la ville à l’énergie verte, le maire de Coca, Johnson Johnson, dit le Boa prévoit de transformer sa ville à l’image de Dubaï, à laquelle elle est jumelée. Il veut faire éclater le schéma traditionnel de cette cité conservatrice régit par des familles bourgeoises perpétuant les traditions et cultures européennes. Il veut faire de cette ville, une ville artificielle, sans passé, sans Histoire, dédiée au luxe, à la consommation, à la jouissance et à l’éphémère. Il veut une ville ancrée dans le contemporain, le capitalisme et la mondialisation, ce que représente aussi le flux de travailleurs qui arrivent sur le chantier et viennent du monde entier : Chine, Russie, Kentucky, Bobigny.
L’auteur dresse ainsi le portrait de ces ouvriers et de ces cadres, parmi lesquels nous rencontrons Georges Diderot, le chef de chantier, Summer Diamantise responsable de la production de béton, Sanche, le grutier, Mo Yan mineur, Seamus, meneur de grève, Katherine Thoreau qui a une relation avec Georges Diderot et qui doit se battre pour faire vivre sa famille, et Soren Kry rattrapé par un passé trouble qui fait de lui l’instrument d’un chantage.
Néanmoins, l’auteur n’esquisse que des fragments de ces trajectoires individuelles, prises dans un ensemble plus vaste, où se heurtent les forces antagonistes de la nature et de l’Histoire, de l’épopée des hommes qui doivent apprendre à domestiquer la nature pour survivre. L’auteur relate ainsi l’histoire de la naissance de la ville, une histoire qui s’est faite dans la violence. Elle évoque l’arrivée des premiers pionniers qui ont délimité leur territoire, distribué et travaillé la terre et qui la nuit, buvaient, violaient, tuaient, tenus par la peur des Indiens dans la forêt qui représentaient le sauvage, l’étranger _ des Indiens qui ensuite avec la prospérité de la ville ont été massacrés et la forêt pillée. L’auteur évoque aussi l’importance du fleuve qui engraissa la ville, apporta le commerce, le trafic, le progrès, l’évolution des mœurs. Le fleuve joue toujours aujourd’hui un rôle prépondérant divisant la ville en deux parties. D’un côté, le centre ville historique avec une bourgeoisie qui tient l’Etat et les affaires et de l’autre côté du fleuve, où vivent encore les Indiens, se trouve un espace vague, marginal, où s’entassent dans des habitations laissées à l’abandon des populations précaires et où règnent les stratégies de survie.
A travers la trajectoire de l’édification du pont, l’auteur montre la lutte entre des forces antagonistes, celles écologiques contre celles de la technique, celles de la tradition, contre celles de la prospérité, de l’économie et de la modernité, offrant ainsi un portrait de notre monde contemporain mondialisé.
C’est un texte magnifique, intelligent, parfaitement cohérent tant sur le plan du style que du fond, mettant en œuvre une langue puissante, saccadée, exprimant la force, la matière, le changement et l’implacable épopée de la technique.
L’auteur relate la grande épopée de la construction d’un pont dans la ville imaginaire de Coca en Californie, entrecoupée par les campagnes écologiques voulant d’interrompre le chantier, les grèves des ouvriers, les tentatives de sabotage et les histoires d’amour.
Ce pont dessiné par Ralph Waldo, qui en est l’architecte, se définit comme « un simple jeu de proportions rapporté aux harmoniques de l’espace, la perception d’un franchissement plus que celle d’un pont, une singularité optique. » Ce pont doit garantir à la ville son indépendance énergétique en éthanol en s’approvisionnant dans les vallées fertiles de l’autre rive.
Outre la conversion de la ville à l’énergie verte, le maire de Coca, Johnson Johnson, dit le Boa prévoit de transformer sa ville à l’image de Dubaï, à laquelle elle est jumelée. Il veut faire éclater le schéma traditionnel de cette cité conservatrice régit par des familles bourgeoises perpétuant les traditions et cultures européennes. Il veut faire de cette ville, une ville artificielle, sans passé, sans Histoire, dédiée au luxe, à la consommation, à la jouissance et à l’éphémère. Il veut une ville ancrée dans le contemporain, le capitalisme et la mondialisation, ce que représente aussi le flux de travailleurs qui arrivent sur le chantier et viennent du monde entier : Chine, Russie, Kentucky, Bobigny.
L’auteur dresse ainsi le portrait de ces ouvriers et de ces cadres, parmi lesquels nous rencontrons Georges Diderot, le chef de chantier, Summer Diamantise responsable de la production de béton, Sanche, le grutier, Mo Yan mineur, Seamus, meneur de grève, Katherine Thoreau qui a une relation avec Georges Diderot et qui doit se battre pour faire vivre sa famille, et Soren Kry rattrapé par un passé trouble qui fait de lui l’instrument d’un chantage.
Néanmoins, l’auteur n’esquisse que des fragments de ces trajectoires individuelles, prises dans un ensemble plus vaste, où se heurtent les forces antagonistes de la nature et de l’Histoire, de l’épopée des hommes qui doivent apprendre à domestiquer la nature pour survivre. L’auteur relate ainsi l’histoire de la naissance de la ville, une histoire qui s’est faite dans la violence. Elle évoque l’arrivée des premiers pionniers qui ont délimité leur territoire, distribué et travaillé la terre et qui la nuit, buvaient, violaient, tuaient, tenus par la peur des Indiens dans la forêt qui représentaient le sauvage, l’étranger _ des Indiens qui ensuite avec la prospérité de la ville ont été massacrés et la forêt pillée. L’auteur évoque aussi l’importance du fleuve qui engraissa la ville, apporta le commerce, le trafic, le progrès, l’évolution des mœurs. Le fleuve joue toujours aujourd’hui un rôle prépondérant divisant la ville en deux parties. D’un côté, le centre ville historique avec une bourgeoisie qui tient l’Etat et les affaires et de l’autre côté du fleuve, où vivent encore les Indiens, se trouve un espace vague, marginal, où s’entassent dans des habitations laissées à l’abandon des populations précaires et où règnent les stratégies de survie.
A travers la trajectoire de l’édification du pont, l’auteur montre la lutte entre des forces antagonistes, celles écologiques contre celles de la technique, celles de la tradition, contre celles de la prospérité, de l’économie et de la modernité, offrant ainsi un portrait de notre monde contemporain mondialisé.
C’est un texte magnifique, intelligent, parfaitement cohérent tant sur le plan du style que du fond, mettant en œuvre une langue puissante, saccadée, exprimant la force, la matière, le changement et l’implacable épopée de la technique.
« Naissance d’un pont » de Maylis de Kérangal
Belle écriture, enlevée et très moderne pour une histoire totalement vraisemblable dans un monde absolument irréel où la Bretagne, les Etats-Unis et Dubaï sont aussi liés que Paris, l’Irlande et Pontarlier, le Doubs et sa résurgence la Loue. Aurait-elle précisé que la Loue se jette au final dans le Doubs, que nous aurions eu la trame parfaite de son livre. Elle mène à son terme la construction d’un pont dans un lieu improbable, avec la volonté de ne pas empêcher le cours des méandres compliquées du cerveau des politiques qui savent arriver à leurs fins. (On va aller là, quitte à passer par ici).
C’est toutefois une belle occasion de parler de l’humain, celui qui ne se complique pas la vie, avec une belle force, même quelques fois magique où l’amour se laisse aller et semble enfin réel, même si c’est pour quelques jours, quelques heures.
Belle écriture, enlevée et très moderne pour une histoire totalement vraisemblable dans un monde absolument irréel où la Bretagne, les Etats-Unis et Dubaï sont aussi liés que Paris, l’Irlande et Pontarlier, le Doubs et sa résurgence la Loue. Aurait-elle précisé que la Loue se jette au final dans le Doubs, que nous aurions eu la trame parfaite de son livre. Elle mène à son terme la construction d’un pont dans un lieu improbable, avec la volonté de ne pas empêcher le cours des méandres compliquées du cerveau des politiques qui savent arriver à leurs fins. (On va aller là, quitte à passer par ici).
C’est toutefois une belle occasion de parler de l’humain, celui qui ne se complique pas la vie, avec une belle force, même quelques fois magique où l’amour se laisse aller et semble enfin réel, même si c’est pour quelques jours, quelques heures.
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