Vélléité

Texte paru dans une version légèrement différente et sous le titre "Chloé" dans la revue Pris de Peur n°8 à l’Epiphanie 1999


Chloé est ma sœur et je l'imagine très bien en train de se faire enculer. Ou mieux, Chloé est ma sœur et je la vois très bien en train de se faire enculer. Ce qui ferait un bon début de roman. Une première phrase incisive ainsi que les aiment certains éditeurs. Un roman qui démarrerait sur les chapeaux de roues, comme on dit, ne mollirait pas jusqu'au point final, muni des poncifs du genre mais discrets, et conduirait, après la sortie du livre chez Malligard, à l’interview de l'auteur à la télévision sur la chaîne à péage qui aime à établir sa réputation en invitant un écrivain entre un chanteur de variétés et une actrice de cinéma, -Vous pouvez nous lire votre première phrase?-. Ensuite, l'argent qui rentre à flots sur le compte en banque; de quoi quitter la France, aller vivre en Suisse.
Un roman qui reste à écrire. Je m'y mettrais bien mais j'ai mieux à faire. A Portejoie, en bordure de Seine, dans son jardin clos arboré, parmi les pétales de magnolia chus sur la pelouse fraîchement tondue, nue, le corps offert à l'intense soleil printanier, Chloé m'attend.