Poussière

Texte paru dans la revue Décharge n° 101 en mars 1999


Il marche sur le boulevard Saint-Michel se faufilant entre ses semblables. Il lui semble que la foule est chaque jour plus compacte. Il a du mal à s’approcher des vitrines et il n’arrive jamais à voir vraiment ce qui avait attiré son attention. Il y a deux jours, il était à la Fiac au Grand Palais et c’était la même chose, la marée humaine le poussait de tableau en tableau. Hier, martyrisé par la cohue, il a renoncé à parcourir les allées du marché aux puces de Saint-Ouen.
Il se sent tellement faible. On lui marche sur les pieds. On lui enfonce des coudes dans les côtes. Parfois, il pense qu’il est le seul à prendre ainsi des coups et que tous se sont ligués contre lui pour l’expulser. Il se dit que ce n’est pas le genre de pensée à avoir trop souvent.
Alors, à chaque fois qu’une fille vient à sa rencontre, il tente désespérément d’accrocher ses yeux. Parfois, les regards se croisent ; un sourire s’ébauche, fugitif. Il se dit que peut-être il existe.