Juste avant que je ne l’accoste, j’ai l’intuition qu’elle est étrangère et j’en ai la confirmation par les quelques mots qu’elle prononce en réponse à ma question : Pour aller au château, c’est bien par là ?
-Oui, droite, gauche, excusez-moi, je parle petit français.
Elle est blonde, porte un blue-jean maculé de taches de peinture, ne s’appelle certainement ni Justine, ni Juliette, parle petit français, et ne joue qu’un rôle subalterne dans cette histoire, celui de la jolie fille charmante qui survient à point pour nous aider, Mélo et moi, à atteindre par le meilleur chemin le château du divin marquis. Le village ne manque pas de ruelles pavées montantes et descendantes, des calades disent les gens d’ici, et labyrinthiques. Il est facile de s’y perdre comme les trois malheureux Belges croisés tout à l’heure à la recherche de leur voiture bien garée, mais où ? Les voici encore, errant au pied du château. Laissons-les disparaître comme s’est esquivée la jeune fille blonde. Pour ce que nous avons à faire, Mélo et moi, mieux vaut ne pas avoir de témoins.
Le marquis serait bien malheureux s’il voyait l’état de son château. Il n’en reste que quelques pans de murs menaçant de choir. Mais à nous cela convient. Mélo aime les ruines et que le monde s’écroule pierre après pierre n’est pas pour me déplaire.
Je regarde ma montre. Il est dix-sept heures en ce dix-sept juillet et Mélo est toujours bien décidée. Elle posera nue pour mon objectif dans cet ancien lieu de débauche, le temps de trois ou quatre photos. Il faut faire vite. Jouer à cache-cache avec les touristes dont certains ne savent même pas où ils sont. Mélo me confie sa culotte et met tout son talent dans l’art d’enlever et de remettre rapidement une petite robe d’été.
Pour la féliciter et la remercier, je l’invite à dîner. Non pas au café qui porte le nom du marquis mais au restaurant Loofoc que nous indique une vieille dame assise dans un fauteuil pliant et lisant la presse à scandales.
-Une jeune femme nue dans les ruines du château de Lacoste, ce sera le titre de première page la semaine prochaine, dis-je à Mélo.
Sur la terrasse éclairée par des ampoules multicolores, nous partageons un plat indien aux treize épices cependant que le soleil se couche. Dans la montagne, en face, Bonnieux avec son faux air de Mont-Saint-Michel disparaît peu à peu dans la nuit. La restauratrice nous met en garde contre l’animal qui somnole paresseusement sur le muret près de moi :
-Surtout ne caressez pas la chatte, elle se laisse faire tout d’abord, mais ensuite elle mord et elle part en courant.
-C’est au marquis qu’il aurait fallu donner ce conseil, dis-je à Mélo, cela lui aurait évité bien des ennuis.
-Oui, droite, gauche, excusez-moi, je parle petit français.
Elle est blonde, porte un blue-jean maculé de taches de peinture, ne s’appelle certainement ni Justine, ni Juliette, parle petit français, et ne joue qu’un rôle subalterne dans cette histoire, celui de la jolie fille charmante qui survient à point pour nous aider, Mélo et moi, à atteindre par le meilleur chemin le château du divin marquis. Le village ne manque pas de ruelles pavées montantes et descendantes, des calades disent les gens d’ici, et labyrinthiques. Il est facile de s’y perdre comme les trois malheureux Belges croisés tout à l’heure à la recherche de leur voiture bien garée, mais où ? Les voici encore, errant au pied du château. Laissons-les disparaître comme s’est esquivée la jeune fille blonde. Pour ce que nous avons à faire, Mélo et moi, mieux vaut ne pas avoir de témoins.
Le marquis serait bien malheureux s’il voyait l’état de son château. Il n’en reste que quelques pans de murs menaçant de choir. Mais à nous cela convient. Mélo aime les ruines et que le monde s’écroule pierre après pierre n’est pas pour me déplaire.
Je regarde ma montre. Il est dix-sept heures en ce dix-sept juillet et Mélo est toujours bien décidée. Elle posera nue pour mon objectif dans cet ancien lieu de débauche, le temps de trois ou quatre photos. Il faut faire vite. Jouer à cache-cache avec les touristes dont certains ne savent même pas où ils sont. Mélo me confie sa culotte et met tout son talent dans l’art d’enlever et de remettre rapidement une petite robe d’été.
Pour la féliciter et la remercier, je l’invite à dîner. Non pas au café qui porte le nom du marquis mais au restaurant Loofoc que nous indique une vieille dame assise dans un fauteuil pliant et lisant la presse à scandales.
-Une jeune femme nue dans les ruines du château de Lacoste, ce sera le titre de première page la semaine prochaine, dis-je à Mélo.
Sur la terrasse éclairée par des ampoules multicolores, nous partageons un plat indien aux treize épices cependant que le soleil se couche. Dans la montagne, en face, Bonnieux avec son faux air de Mont-Saint-Michel disparaît peu à peu dans la nuit. La restauratrice nous met en garde contre l’animal qui somnole paresseusement sur le muret près de moi :
-Surtout ne caressez pas la chatte, elle se laisse faire tout d’abord, mais ensuite elle mord et elle part en courant.
-C’est au marquis qu’il aurait fallu donner ce conseil, dis-je à Mélo, cela lui aurait évité bien des ennuis.