Pas de bol


            Il n’aura jamais su d’où lui venait cette détestable manie de disposer chaque soir sur la table de la cuisine les bols et les biscottes du petit-déjeuner du lendemain. Il n’était pas du genre à lui poser des questions et elle n’était pas du genre à donner des explications.
            La nuit, quand il ne dormait pas, il pensait à ce bol qui l’attendait dans le noir et il se disait que l’avenir ne supporterait pas longtemps ce genre de provocation. Une nuit, c’était sûr, il le paierait de sa vie. Au matin, il y aurait ce bol une fois de trop sur la toile cirée, inutile et ridicule.
        Un jour, n’en pouvant plus, il la quitta sans lui dire pourquoi, l’entendant déjà se plaindre auprès de ses amies et leur dire qu’avec les hommes, elle n’avait vraiment pas de chance.
                                                                      Michel Perdrial
(Ce texte a paru en Belgique dans la revue Bleu d’Encre n°6 en hiver 2001.)