Dans la tête


            Marine, je l’aime bien. Elle a cette espèce de grâce quand elle marche. Et une élégance si naturelle. De plus, sa sérénité, son calme et son équilibre font un bon contrepoids à mes angoisses et à mes doutes.
            Au Musée d’Art Moderne, à Beaubourg, ce qu’elle préfère ce sont les mobiles de Calder. Couleurs apaisantes et forces égales.
            -Viens, lui dis-je, je vais te faire voir l’un de mes tableaux préférés.
            Je l’entraîne vers le « Portrait de la journaliste Sylvia von Harden » d’Otto Dix.
            -C’est ça que tu aimes ! s’exclame-t-elle. Moi, si j’étais un mec, un tableau comme celui-ci suffirait à me dégoûter des femmes !
            Et elle retourne s’abriter auprès de Calder.
            Un quart d’heure plus tard alors que nous traversons de nouveau la salle où se trouve la rouge journaliste, elle me dit :
            -Maintenant, à chaque fois que je verrai ce tableau, je penserai à toi.
            Je lui ai mis dans la tête un peu de moi-même. C’est cela qui me plaît. Exister ainsi chez les uns et chez les autres. Chez les unes surtout.
            Alors que je suis presque toujours seul et que je ne vis pas. Ou si peu.
                                                                            Michel Perdrial
(Ce texte a paru en Belgique dans la revue Bleu d’Encre n°8 en hiver 2002 et dans la revue Inédit Nouveau n°171 en avril 2003.)