J’embrasse chacune et chacun. Je reçois en échange une quantité de bisous baveux. Je console Adeline qui voit partir sa mère avec des larmes dans les yeux. Je sépare Adrien et Maxime qui sont déjà en train de se battre. Je distribue des feuilles blanches et des feutres à Justine et ses copines qui ont envie de faire un beau dessin pour leurs mamans. Je mets en marche l’ordinateur et y installe un logiciel de dessin pour Anoko. Je cherche Grodino dans la bibliothèque car Loïc a envie de lire. J’aide Léo à retrouver une pièce de son puzzle. Je pose un jeu de construction sur la moquette bleue. Je revois le programme de la journée avec mon assistante avant qu’elle ne disparaisse dans la classe voisine. Je m’efforce de rassembler tout le monde pour le passage aux toilettes. Je vais chercher un à un quelques récalcitrants qui préfèreraient continuer à jouer. J’ôte des bretelles et remets des boutons. Je vérifie que toutes les mains sont bien lavées. De retour en classe, je regroupe filles et garçons sur le tapis. J’attends le silence. Amane fait l’appel et Aziz affiche la date sur le tableau mural. Je deviens chef de chœur le temps de quelques chansons. Je vais chercher un livre pour raconter une histoire qui fait peur. J’explique le travail sur feuille de la journée, graphisme, mathématiques et jeux de lecture. C’est pour tout à l’heure, d’abord tous et toutes vont s’asseoir autour des quatre grandes tables circulaires car c’est l’anniversaire de Charline aujourd’hui. Je pose le gâteau devant elle qui y plante quatre bougies. Chanson de circonstance, allumage, extinction et applaudissements. Je découpe le gâteau en vingt-sept parts égales. Je verse du jus d’orange dans vingt-sept gobelets en plastique. J’éponge la chaise de Mickaël qui vient de renverser son orangeade. Je distribue des mouchoirs en papier et vingt-sept bouches s’essuient de concert. Chacune et chacun se lève. Nous partons pour la salle d’éducation physique. J’encourage les plus timorés et freine les plus téméraires. Je rattrape Wendy qui a failli passer à travers l’échelle de corde horizontale. Je rassure Léonore qui n’arrive toujours pas à sauter par-dessus la petite haie. C’est l’heure de la récréation. Je lace des chaussures et ferme des manteaux. J’enfile des cagoules et noue des écharpes. Je sors dans la cour un café à la main. J’empêche Lucas de lancer des cailloux. Je console Marine qui vient de tomber dans la boue. Estelle me raconte que sa mère a pleuré dans la voiture. Il se met à pleuvoir. Nous rentrons précipitamment. Mon assistante est de retour. Elle aide au déshabillage et je veille à ce que chacune et chacun s’installe devant le travail sur feuille présenté précédemment. Je cours d’une table à l’autre pour donner des explications supplémentaires. J’aide celles et ceux qui ont des difficultés. Je redresse la tenue d’un crayon. Je corrige avec mon stylo rouge. Je dispose quelques jeux sur les tables et la moquette. Je plonge des pinceaux dans les pots de peinture. J’habille une poupée tout en mouchant le nez de Chloé. Je veille à ce que tout soit rangé avant l’heure des mamans et je rends à chacune sa progéniture. L’après-midi cela recommence d’une heure et demie jusqu’à quatre heures et demie où chacune et chacun me dit au revoir à demain. Je peux enfin m’asseoir et discute avec Gaëlle dont la mère est en retard.
- Qu’est-ce que tu fais après l’école ? me demande-t-elle.
- Je fais comme toi, je rentre chez moi.
- Et après tu vas travailler ?
Michel Perdrial
(Une première version de ce texte a paru au Val d’Aoste dans la revue Les Cahiers du Ru n°37 en été 2001 et en France dans la revue Filigranes n°51 en novembre 2001.)
- Qu’est-ce que tu fais après l’école ? me demande-t-elle.
- Je fais comme toi, je rentre chez moi.
- Et après tu vas travailler ?
Michel Perdrial
(Une première version de ce texte a paru au Val d’Aoste dans la revue Les Cahiers du Ru n°37 en été 2001 et en France dans la revue Filigranes n°51 en novembre 2001.)