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C’était la fête à Saul Steinberg cet automne 2021 puisqu’au moins trois expositions de ses travaux étaient programmées en même temps, à la Triennale de Milan, au Centre Georges Pompidou et à la galerie Maeght (je suis passé également devant une galerie milanaise qui exposait quelques dessins de S.S. ainsi que des hommages mais je n’y suis pas entré).
Je suis allé voir les trois alors je vais t’en parler, si tu veux bien.
Dans l’ordre de mes visites on commence par la Triennale, ça tombe bien c’est la meilleure et de loin. Prenant appui sur le long lien qui a uni l’artiste à cette ville (et à la Triennale elle-même), l’expo s’intitule Milano New York. Il faut bien garder à l’esprit que Milan a été l’épicentre du design pendant la seconde moitié du XXe siècle au point d’y attirer des créateurs des États-Unis ou du Japon. Saul Steinberg y fit ses études d’architecture dans les années 1930 avant de fuir à New York face à l’ascension de l’antisémitisme en Europe. Il y reviendra souvent après la guerre, invité par ses amis qui travaillaient sur place.
Le corpus transatlantique réuni pour ce Milano New York est immense et se déploie avec intelligence dans la courbe caractéristique du bâtiment de la Triennale. On y parcourt l’ensemble de sa carrière de manière relativement chronologique et/ou thématique sans que l’une des approches ne vienne phagocyter l’autre. C’est à la fois très riche, très documenté et très agréable.
L’exposition s’attarde évidemment sur le travail du dessinateur pour la Triennale de 1954: les architectes du studio BBPR ayant conçu un Labyrinthe des enfants, ils lui demandèrent de bien vouloir l’orner d’une fresque. Ce qu’il fit en incisant le ciment frais des murs (je crois que c’était du ciment, je ne suis pas certain de la technique) avec un stylet, gravant ses images à main levée sur les parois. Il avait auparavant dessiné l’ensemble du projet sur un leporello géant de plusieurs mètres de long.
Ce leporello est bien sûr exposé ainsi que des maquettes du labyrinthe et des photographies de l’artiste à l’œuvre. Voyant cette pièce de résistance au sein de l’expo, j’ai immédiatement pensé qu’il pourrait donner lieu à une extraordinaire publication une fois réduit à l’échelle d’un livre, à la manière des dépliants de Warja Lavater pour les éditions d’Adrien Maeght. Mais non. De la même manière me suis-je abstenu (à quelques exceptions près) de sortir mon téléphone pour prendre des vues de l’exposition, pensant me rabattre sur un gargantuesque catalogue. Mais non.
Si, bien sûr, il y a un catalogue, énorme, de ces livres qui sont trop gros pour être lus confortablement, mais au sein duquel le cahier concernant les reproductions des œuvres tient une place anecdotique. Les dessins du labyrinthe y sont à format qui dépasse à peine le timbre-poste. Le reste est occupé par des essais sur l’œuvre de Steinberg qui sont probablement intéressants mais qui, au regard de la générosité de l’exposition, portent un capital de déception immense pour le visiteur - pour moi en tous cas.
La galerie Maeght, ensuite, qui est la représentante historique de Steinberg en France au point qu’elle a prêté des œuvres à Milan. Les travaux présentés y sont souvent des reliquats d’expositions anciennes, toujours passionnants au demeurant. Mais la visite est quelque peu polluée par l’abondance d’éléments en vente (affiches, vases, etc.) sans lien avec S.S. Mais après tout, puisque cette galerie est surtout une boutique d’éditions d’art, prenons-en notre parti, et avec joie, puisque que cela nous permet d’acquérir des affiches en lithographie et des exemplaires de la revue maison Derrière le miroir publiés à l’occasion des précédentes expositions de Saul Steinberg. Certains artefacts sont coûteux, d’autres très accessibles, voilà qui me permet de surmonter ma frustration milanaise.
Le Centre Pompidou, enfin, avec son exposition Entre les lignes, présente un série de travaux du maître à l’occasion du don fait par la Saul Steinberg Foundation de The Art Viewers, spectaculaire composition murale conçue en 1966 pour la galerie Maeght. Le reste des œuvres exposées provenant pour beaucoup de dons reçus des American Friends of the Centre Pompidou, l’ensemble, non dénué d’intérêt, ne possède pas la force quantitative ni même thématique de Milano New York.
Mais ne boudons pas notre plaisir et profitons des travaux montrés au public. Une fois de plus, pas de photos de l’expo, les images que je présente ici sont tirées de nos carnets de visite à Gabriel et à moi (je précise, des fois que… hihi). Le catalogue souffrant des mêmes faiblesses (manque d’une réelle colonne vertébrale) je décidai d’acquérir la réédition du livre The Labyrinth (rien à voir avec le projet milanais) que Robert Delpire avait en son temps (1960) publié en France. Renonçant provisoirement à cet achat pour des raisons trop complexes à exposer ici, je m’en félicitai une fois rentré chez moi puisque je découvris que je l’avais déjà, acheté avec d’autres éléments Steinbergesques aux puces d’Orléans. Ah je te jure!
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2007-2020, Loïc Boyer.
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