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Les Animaux magiques, même s’il fut le seul livre de Florence Vidal destiné à l’enfance, fut précédé d’un tout premier album, pour les adultes celui-ci.
Publié deux ans auparavant, soit en 1965, l’ouvrage ne manque ni de qualités ni d’ambitions. On y trouve bien sûr l’influence de Saul Steinberg, après tout il s’agit d’un premier livre, mais quel dessinateur n’était pas, ces années-là, hypnotisé par le trait du grand homme? Même Tomi Ungerer fut refoulé des pages du New Yorker pour de cause de trop grande proximité… Quoi qu’il en soit, monsieur Graph, sorte de Modulor évoluant dans un plan abstrait, permet à son autrice, sous le pseudonyme d’Elisabeth Sartoris, d’explorer toute la métaphysique du trait et de la page. Des pages devrais-je dire, car la fabrication soignée nous offre des feuilles de calque, de papier métallisé, des découpes inattendues qui sont autant de surprises qui questionnent la forme même du livre imprimé — n’oublions pas qu’elle a été un temps proche de Bruno Munari. On ne s’étonnera guère qu’elle ait choisi la forme du pêle-mêle pour son album suivant (qui sera aussi le dernier, le reste de son abondante œuvre publiée se passera désormais de ses dessins). Plus étonnant est le nom de l’éditeur puisque ce sont les éditions de Minuit qui sont ici à la manœuvre. On aurait difficilement imaginé les hérauts du Nouveau Roman publier un proto-roman graphique mais il faut bien admettre qu’il y a dans Le Monde plat de monsieur Graph une certaine distance vis-à-vis de toute littérature bourgeoise et cette distance est aujourd’hui encore clairement visible au lecteur. Mais le mérite en revient probablement à Florence Vidal qui m’a confié avoir expressément souhaité être publiée dans cette maison pour laquelle elle avait des affinités particulières. Jérôme Lindon était fort accessible, raconte-t-elle, et il suffisait que l’on se présente à l’entrée et demande à le rencontrer pour que s’ouvre une seconde porte, celle de son bureau. L’enthousiasme de l’éditeur pour ce projet hors-normes a fait le reste et le livre est encore là, dans toute la force de son encre noire. |
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2007-2020, Loïc Boyer.
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