Avec un billet de train qui me coûte plus cher que d’habitude, me voici ce vendredi dans la voiture Cinq (celles des navetteurs) du sept heures vingt-quatre pour Paris. Je n’y ai pas de voisin immédiat. Certains sont en vacances, d’autres en télétravail (le télétravail, cette façon de commencer le ouiquennede un jour plus tôt).
Arrivé tôt dans la capitale, je tente de perdre mon avance en prenant un bus Vingt-Neuf dans lequel il est affiché qu’on recrute des conducteurs. Celui-ci se sort facilement des travaux du boulevard Sébastopol et me voici à neuf heures quarante-cinq au comptoir du Café du Faubourg où le vieux serveur annonce la pluie pour quinze heures. J’ai pour voisin un quadragénaire qui était déjà là avant la Guerre du Covid, aisément reconnaissable au verre de vin blanc matinal qu’il renouvelle. Désormais, il porte la barbe. En ce début de vingt-et-unième siècle, peu d’hommes auront su résister au désir mimétique d’exhiber sa pilosité. Il suffit pour le vérifier de regarder les publicités télévisées. Presque toutes ont leur néo barbu.
Quand enfin Book-Off ouvre, je n’y suis pas longtemps seul. Là aussi les vacances se font sentir. Il me faut slalomer entre les familles.
-Il est où papa ?
-Il regarde les mangas.
Je regarde ailleurs mais ce n’est pas un bon jour. Au moment de payer, je n’ai dans mon panier que La vie drôle de Curnonsky (Ramsay) et White, le premier livre de non fiction de Bret Easton Ellis (Robert Laffont).
A midi, je déjeune au Paris de la formule à quatorze euros quatre-vingt-dix : crème de lentilles croûtons et tuile de lard puis foie de veau snacké sauce pimentée mousseline de patates douces. Las, pas de tuile de lard m’annonce une nouvelle serveuse (c’est la tuile). Le cuisinier vient me voir pour s’en excuser à la fin de mon repas. Un repas qui me laisse un peu sur ma faim. C’est fort bon mais un peu chiche. J’ai l’impression que certains restaurateurs, soucieux ne pas augmenter les prix, diminuent les quantités.
Un bus Vingt-Neuf (on recrute des conducteurs) me conduit d’un Opéra à l’autre. Au Book-Off de Quatre Septembre, il y a également foule et j’ai beau chercher et chercher, je ne trouve pas le moindre livre pour me plaire.
Il est quatorze heures trente quand je m’installe à l’une des tables d’intérieur du Bistrot d’Edmond tandis que dehors tombe une sévère drache. De nouvelles serveuses sont à l’ouvrage, dont l’une qui fait tomber ma veste sans s’excuser. Je poursuis la lecture de Lettres à Voltaire de Madame du Deffand malgré la musique trop forte.
Je rentre avec le seize heures quarante. Le vendredi, certaines des places de la voiture Cinq sont réservées. D’où la présence parmi nous de Génération Cinquante. Heureusement, celui-ci se contente de gazouiller. Chez les navetteurs, on est content d’être en ouiquennede. L’un qui travaille dans un service après-vente et devrait rentrer avec le dix-sept heures trente a quitté son travail plus tôt. Il surveille son smartphone. Si on m’appelle, dit-il à ses compagnons de voyage, je dirai que j’ai pris mes médicaments et que je ne peux plus conduire. C’est ce que je fais à chaque fois.
Arrivé tôt dans la capitale, je tente de perdre mon avance en prenant un bus Vingt-Neuf dans lequel il est affiché qu’on recrute des conducteurs. Celui-ci se sort facilement des travaux du boulevard Sébastopol et me voici à neuf heures quarante-cinq au comptoir du Café du Faubourg où le vieux serveur annonce la pluie pour quinze heures. J’ai pour voisin un quadragénaire qui était déjà là avant la Guerre du Covid, aisément reconnaissable au verre de vin blanc matinal qu’il renouvelle. Désormais, il porte la barbe. En ce début de vingt-et-unième siècle, peu d’hommes auront su résister au désir mimétique d’exhiber sa pilosité. Il suffit pour le vérifier de regarder les publicités télévisées. Presque toutes ont leur néo barbu.
Quand enfin Book-Off ouvre, je n’y suis pas longtemps seul. Là aussi les vacances se font sentir. Il me faut slalomer entre les familles.
-Il est où papa ?
-Il regarde les mangas.
Je regarde ailleurs mais ce n’est pas un bon jour. Au moment de payer, je n’ai dans mon panier que La vie drôle de Curnonsky (Ramsay) et White, le premier livre de non fiction de Bret Easton Ellis (Robert Laffont).
A midi, je déjeune au Paris de la formule à quatorze euros quatre-vingt-dix : crème de lentilles croûtons et tuile de lard puis foie de veau snacké sauce pimentée mousseline de patates douces. Las, pas de tuile de lard m’annonce une nouvelle serveuse (c’est la tuile). Le cuisinier vient me voir pour s’en excuser à la fin de mon repas. Un repas qui me laisse un peu sur ma faim. C’est fort bon mais un peu chiche. J’ai l’impression que certains restaurateurs, soucieux ne pas augmenter les prix, diminuent les quantités.
Un bus Vingt-Neuf (on recrute des conducteurs) me conduit d’un Opéra à l’autre. Au Book-Off de Quatre Septembre, il y a également foule et j’ai beau chercher et chercher, je ne trouve pas le moindre livre pour me plaire.
Il est quatorze heures trente quand je m’installe à l’une des tables d’intérieur du Bistrot d’Edmond tandis que dehors tombe une sévère drache. De nouvelles serveuses sont à l’ouvrage, dont l’une qui fait tomber ma veste sans s’excuser. Je poursuis la lecture de Lettres à Voltaire de Madame du Deffand malgré la musique trop forte.
Je rentre avec le seize heures quarante. Le vendredi, certaines des places de la voiture Cinq sont réservées. D’où la présence parmi nous de Génération Cinquante. Heureusement, celui-ci se contente de gazouiller. Chez les navetteurs, on est content d’être en ouiquennede. L’un qui travaille dans un service après-vente et devrait rentrer avec le dix-sept heures trente a quitté son travail plus tôt. Il surveille son smartphone. Si on m’appelle, dit-il à ses compagnons de voyage, je dirai que j’ai pris mes médicaments et que je ne peux plus conduire. C’est ce que je fais à chaque fois.