« Votre train pourrait être impacté par les conditions météorologiques. Pour votre bien-être à bord et en raison des fortes chaleurs, nous vous invitons à vous munir d’une bouteille d’eau. Si vous souhaitez reprogrammer votre voyage ou obtenir son remboursement, sans frais, nous vous invitons à vous rendre en ligne. », m’écrit mardi soir la Senecefe.
Bien qu’il m’en coûte de renoncer à passer un moment avec celle que je devais retrouver ce mercredi à treize heures sous Beaumarchais, je donne suite à cette proposition, la perspective d’une journée à suer dans la capitale, où il fait deux degrés de plus qu’à Rouen, et d’un retour dans la bétaillère dont on ne peut plus baisser les vitres ne m’enchantant pas.
Cette fois, inutile d’aller à Dieppe. Il y fait si chaud que le pont métallique tournant Colbert est dilaté et reste par prudence en position ouverte afin de permettre le passage des navires. Pour rejoindre le Mieux Ici Qu’En Face, il me faudrait faire un détour au-dessus de mes forces.
Plus qu’à rester à Rouen où je ne sors que le matin pour assurer ma subsistance puis à midi pour lire au Son du Cor. Hier, assis à l’une des trois seules tables disponibles le long de la façade donnant sur le terrain de pétanque depuis qu’y ont été installés les perchoirs publicitaires pour les oies, j’ai dû subir la proximité d’un autre lecteur dont même le bruit de la respiration m’exaspère. Un porteur de djine bleu et de chaussures de sport en plastique qui une fois m’a interpellé bruyamment pour me parler de Sylvain Tesson. Il m’avait vu lors de la venue de celui à L’Armitière et/ou avait lu mon texte à ce propos. Je déteste le manque de discrétion. Ce jour-là je l’ai envoyé bouler, mais je ne peux l’empêcher de s’asseoir à côté de moi.
Ce mercredi midi, pour y échapper, je m’installe côté rue et je fais bien car il arrive peu après et s’assoit à la même table qu’hier où il lit Dostoïevski de manière ostentatoire. Une jeune femme lit également à une table rapidement rattrapée par le soleil. Elle déménage et vient s’installer à la table voisine de la mienne, du côté opposé. Désormais, en lisant, j’ai trois plans sous les yeux : la page du Journal de Matzneff, mon bras nu et sa cuisse nue.
Cette lectrice ne se soucie pas davantage de moi que si j’étais une chaise ou une table. Aussi avant qu’elle ne parte n’ai-je pas l’occasion de lui demander si elle a choisi le livre qu’elle lit dans l’espoir d’avoir moins chaud, un policier signé Fred Vargas, Temps glaciaire.
*
Symptomatique et consternant, ce déchaînement de haine, ce torrent d’insultes, contre Greta Thunberg, âgée de seize ans mais en paraissant bien moins et fragilisée par un syndrome d’Asperger. Il est surtout le fait d’hommes d’un certain âge qui font une fixette sur elle, la plupart de Droite. L’un de ma connaissance n’hésitant pas à user d’arguments du genre « Ça rappelle les enfants endoctrinés de l’Union Soviétique » ou bien « Et dire que pendant ce temps-là dans certains pays des filles aimeraient bien pouvoir aller à l’école », puis à appeler en renfort un texte odieux signé Michel Onfray. Or, que dit cette jeune personne à ceux qui ont le pouvoir ? « Notre maison brûle et vous regardez ailleurs. » Rien d’autre que ce qu’a dit Chirac, cet ancien Président de Droite, en deux mille deux à Johannesburg, en s’incluant parmi les responsables indifférents.
*
Une autre fille en avance sur son âge, dont le sort fut tragique, Anne Frank, de laquelle je viens de relire au lit le Journal, écrit entre treize et quinze ans, dans la version non expurgée par son père qui en avait caviardé les propos sur sa sexualité et ses critiques sur sa famille. Extrait :
Ainsi la radio est déjà allumée à huit heures du matin (sinon neuf) et on l’écoute toutes les heures jusqu’à neuf heures, dix heures ou parfois même onze heures du soir. Voilà la plus belle preuve que les adultes ont de la patience et un cerveau difficile à atteindre… (lundi vingt-sept mars mil neuf cent quarante-quatre)
Bien qu’il m’en coûte de renoncer à passer un moment avec celle que je devais retrouver ce mercredi à treize heures sous Beaumarchais, je donne suite à cette proposition, la perspective d’une journée à suer dans la capitale, où il fait deux degrés de plus qu’à Rouen, et d’un retour dans la bétaillère dont on ne peut plus baisser les vitres ne m’enchantant pas.
Cette fois, inutile d’aller à Dieppe. Il y fait si chaud que le pont métallique tournant Colbert est dilaté et reste par prudence en position ouverte afin de permettre le passage des navires. Pour rejoindre le Mieux Ici Qu’En Face, il me faudrait faire un détour au-dessus de mes forces.
Plus qu’à rester à Rouen où je ne sors que le matin pour assurer ma subsistance puis à midi pour lire au Son du Cor. Hier, assis à l’une des trois seules tables disponibles le long de la façade donnant sur le terrain de pétanque depuis qu’y ont été installés les perchoirs publicitaires pour les oies, j’ai dû subir la proximité d’un autre lecteur dont même le bruit de la respiration m’exaspère. Un porteur de djine bleu et de chaussures de sport en plastique qui une fois m’a interpellé bruyamment pour me parler de Sylvain Tesson. Il m’avait vu lors de la venue de celui à L’Armitière et/ou avait lu mon texte à ce propos. Je déteste le manque de discrétion. Ce jour-là je l’ai envoyé bouler, mais je ne peux l’empêcher de s’asseoir à côté de moi.
Ce mercredi midi, pour y échapper, je m’installe côté rue et je fais bien car il arrive peu après et s’assoit à la même table qu’hier où il lit Dostoïevski de manière ostentatoire. Une jeune femme lit également à une table rapidement rattrapée par le soleil. Elle déménage et vient s’installer à la table voisine de la mienne, du côté opposé. Désormais, en lisant, j’ai trois plans sous les yeux : la page du Journal de Matzneff, mon bras nu et sa cuisse nue.
Cette lectrice ne se soucie pas davantage de moi que si j’étais une chaise ou une table. Aussi avant qu’elle ne parte n’ai-je pas l’occasion de lui demander si elle a choisi le livre qu’elle lit dans l’espoir d’avoir moins chaud, un policier signé Fred Vargas, Temps glaciaire.
*
Symptomatique et consternant, ce déchaînement de haine, ce torrent d’insultes, contre Greta Thunberg, âgée de seize ans mais en paraissant bien moins et fragilisée par un syndrome d’Asperger. Il est surtout le fait d’hommes d’un certain âge qui font une fixette sur elle, la plupart de Droite. L’un de ma connaissance n’hésitant pas à user d’arguments du genre « Ça rappelle les enfants endoctrinés de l’Union Soviétique » ou bien « Et dire que pendant ce temps-là dans certains pays des filles aimeraient bien pouvoir aller à l’école », puis à appeler en renfort un texte odieux signé Michel Onfray. Or, que dit cette jeune personne à ceux qui ont le pouvoir ? « Notre maison brûle et vous regardez ailleurs. » Rien d’autre que ce qu’a dit Chirac, cet ancien Président de Droite, en deux mille deux à Johannesburg, en s’incluant parmi les responsables indifférents.
*
Une autre fille en avance sur son âge, dont le sort fut tragique, Anne Frank, de laquelle je viens de relire au lit le Journal, écrit entre treize et quinze ans, dans la version non expurgée par son père qui en avait caviardé les propos sur sa sexualité et ses critiques sur sa famille. Extrait :
Ainsi la radio est déjà allumée à huit heures du matin (sinon neuf) et on l’écoute toutes les heures jusqu’à neuf heures, dix heures ou parfois même onze heures du soir. Voilà la plus belle preuve que les adultes ont de la patience et un cerveau difficile à atteindre… (lundi vingt-sept mars mil neuf cent quarante-quatre)