Un mercredi Stravinsky à Paris

16 novembre 2023


Dans le train Nomad Krono Plus de sept heures vingt-quatre pour Paris ce mercredi, une femme lit Les Echos. Le bruit des pages qu’elle tourne m’est désagréable. Peut-être parce que c’est devenu rare. On ne lit plus guère de journaux en papier dans les transports collectifs.
Le ciel est bleu quand j’arrive dans la capitale. Le prochain bus Vingt-Neuf est dans quatre minutes. Il me permet de rejoindre le Marché d’Aligre. Le beau temps étant annoncé pour la journée, Emile Débarras a doublé son étalage de livres. Il y a de bonnes choses mais rien pour moi.
Après un café de comptoir au Camélia, j’entre chez Book-Off à onze heures en compagnie de la petite foule qui s’impatientait sur le trottoir, des vendeurs de livres ou d’autres biens dits culturels qui se mettent en file devant le bureau des rachats. Deux femmes s’invectivent, chacune prétendant être avant l’autre. Un homme les invite à se calmer. Le personnel reste coi. Je furète dans les livres à un euro.
A midi, je retourne déjeuner au restaurant Au Diable des Lombards, camembert rôti et tête de veau sauce gribiche dont je déplore le trop de gras.
J’enchaîne avec le Book-Off de Saint-Martin où devant moi à la caisse s’énerve un vieux qui ne trouve pas son argent pour payer les quatre livres de poche qu’il a choisis rapidement et au hasard. Il en a pour quatorze euros et veut en plus un sac en tissu pour les mettre et le payer à part, bien qu’il ait déjà deux sacs vides à la main. Le personnel reste placide.
Comme le ciel bleu l’est encore plus ou moins, je vais voir la Fontaine Stravinsky de Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle remise en marche après restauration totale. Autrefois, quand j’étais bien accompagné, je l’ai vue fonctionner en partie et plus ou moins bien. Ensuite, plus du tout. Là, elle se donne à fond. Les seize sculptures animées crachent l’eau à qui mieux mieux.
Au troisième Book-Off, celui de Quatre Septembre, personne ne perd ses nerfs. Il y a parmi le nouveau personnel un garçon fille un peu troublant. Le Déplaisant qui y sévissait, ainsi qu’à Ledru-Rollin, celui qui refusait que je laisse mon sac à dos derrière le comptoir, a disparu depuis un moment et j’en suis ravi.
Allant chercher de l’argent au Crédit à Bricoles de la rue Saint-Augustin, je découvre qu’on a refait les peintures extérieures chez Drouant. Tout est marron, les noms des glorieux juré(e)s Goncourt du vingtième siècle ont disparu, les Colette, Carco, Giono, Renard, Daudet, Mirbeau, Descaves, Mac Orlan, Queneau. Peut-être faisaient-ils trop d’ombre aux médiocres juré(e)s Goncourt du vingt et unième siècle.
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Ma petite récolte de livres à un euro : Cœur à cœur de Tomi Ungerer (Le Cherche Midi), Carnets de Théodore Monod (Le Pré aux Clercs), Jacques Tati de Jean-Philippe Guerand (Folio), Conrad d’Alain Dugrand (La Petite Vermillon), Sylvia P. d’Anada Devi (Editions Bruno Doucey) et Cette maudite race humaine de Mark Twain (Actes Sud).