Trois fois La Grande Fugue par le Ballet de l’Opéra de Lyon à l’Opéra de Rouen

13 février 2017


Une nouvelle fois en fond de corbeille à l’Opéra de Rouen, ce jeudi soir, j’ai comme voisine l’une de mes anciennes collègues de l’école maternelle du quartier Saint-Sever où la même année nous finîmes notre carrière (comme on dit) . Elle me raconte qu’elle est allée récemment à la Chapelle Corneille et heureusement qu’elle était au deuxième rang car une amie à elle, assise plus loin, ne pouvait voir que la chanteuse (debout) et pas du tout les musiciens (assis). Elle ne compte pas y retourner. Ici, nous sommes dans une salle en amphithéâtre et avons bonne vue sur le plateau dans son ensemble.
Le Ballet de l’Opéra de Lyon doit danser trois fois La Grande Fugue (Die Grosse Fuge) de Ludwig van Beethoven dans des chorégraphies dues à des pointures de la discipline, la musique nécessaire à chaque prestation provenant d’un enregistrement différent.
Pour commencer, c’est la pièce pour douze danseurs (moitié filles, moitié garçons) de Lucinda Childs assistée de Caitlin Scranton, une création de deux mille seize, tout ce que je n’aime pas en danse, du néoclassique qui suit servilement la musique de Ludwig van. Que de sauts de biche, il ne manque que les tutus.
A l’entracte, un spectateur inconnu de moi vient me parler :
-Alors vous avez inventé une nouvelle discipline olympique ? Pas trop d’hématomes ?
-Non, aucun, et je ne vais pas recommencer.
A la reprise, c’est la pièce pour huit danseurs (six garçons et deux filles en noir et blanc) d’Anne Teresa De Keersmaeker, dont la création remonte à mil neuf cent quatre-vingt-douze. J’aime cette danse vigoureuse qui n’est pas assujettie à la musique tout en en faisant grand cas.
-Voilà qui est beaucoup mieux, dis-je à ma voisine.
Elle partage mon point de vue.
-J’aime beaucoup la façon dont ils chutent, me dit-elle.
Dans la loge derrière nous, le vieux ronchon que je croyais disparu, mais qui est de retour, est d’un avis différent :
-Ils sont toujours par terre, bougonne-t-il.
Enfin est donnée la pièce pour quatre danseuses de Maguy Marin créée en deux mille un. Les quatre filles sont vêtues de rouge. Elles se démènent sans répit. Cela me plaît aussi mais moins que la chorégraphie précédente. « C’est fatigant », constate dans un soupir celui qui accompagne mon ancienne collègue, un pratiquant de l’humour anglais.
Moi-même un peu affaibli par la dépense physique des quatre danseuses, je suis plus que prudent en descendant l’escalier où je me suis étalé la fois dernière (ma façon de chuter n’est pas celle d’un danseur). Ses marches sont moins visibles depuis que l’installation bucolique qui pend du plafond a eu pour conséquence un éclairage restreint du foyer. Je n’irai cependant pas jusqu’à accuser la direction de l’Opéra de Rouen de mise en danger de la vie d’autrui.
Deux femmes de mon âge me précèdent. « Heureusement qu’il y avait la première partie », dit l’une à l’autre.