Rouen, un dernier mardi d’août bleu ciel

30 août 2018


Le beau temps revenu, je m’installe à midi ce mardi à l’une des tables au soleil du Son du Cor. Le café verre d’eau m’arrive sans que j’aie besoin de le commander. J’y commence la lecture de Correspondance avec Ferny Besson d’Alexandre Vialatte. Pas loin de moi, côté droit, est une jolie fille à petite robe bleu ciel qui mange des cubes de fromage avec son sirop de violette tout en tournant les pages d’un livre de poche hélas de Paolo Coelho. Trois autres filles à longues jupes, style Lycée Jeanne d’Arc, s’assoient à ma gauche. Elles parlent bruyamment d’autres filles qui aiment plusieurs filles à la fois puis de la pratique du théâtre qui fait du bien à la timidité. Le téléphone d’une retentit.
-Je suis au Son du Cor, répond-elle, tu peux venir me faire un p’tit bisou.
-C’était Léon, annonce-t-elle aux deux autres. Il est super gentil mais qu’est-ce qu’il est chiant avec sa politique.
J’ai suffisamment d’indices pour savoir de qui elle parle.
-Salut, ça va bien ? me dit-il après avoir embrassé le trio.
-J’étais sûr que c’était toi qui allais arriver, lui dis-je mais je ne lui explique pas pourquoi.
La fille à la petite robe bleu ciel me sourit quand elle se lève. Je la regarde disparaître entre les maisons qui se rapprochent à l’entrée de la rue du Pont-Codrille, lisant tout en marchant, une chose que je n’ai jamais été capable de faire.
Quand le soleil me quitte, je vais payer mon euro quarante à l’intérieur. Au bout de la rue d’Amiens, un homme à petites lunettes bleu ciel s’avance pour me serrer la main
-Bonjour, vous allez bien ? me dit-il
-Je vous connais, lui dis-je, mais je ne sais plus d’où.
-Je suis l’ancien patron du Marégraphe.
Cela me ramène bien des années en arrière. Il m’apprend que désormais il travaille chez Axa et me demande si je vais toujours là-bas. Je réponds par la négative. Depuis son départ l’endroit a changé en mal. Adieu les jolies chaises et tables colorées de la terrasse où je lisais au bord de la Seine. Je lui demande si son nouveau travail lui va. Il me répond qu’il faut se sentir bien là où on est.
Après être repassé par chez moi, je ressors pour rejoindre la terrasse du Sacre, sûr d’y trouver plein soleil. A peine suis-je assis que le café verre d’eau m’arrive sans que j’aie besoin de le commander. J’y poursuis ma lecture des lettres de Vialatte jusqu’à ce qu’il soit seize heures. Je vais payer mon euro quarante à l’intérieur puis rentre installer dans le jardin à l’ombre une planche sur deux tréteaux afin d’y poser mon ordinateur et raconter mon dernier mardi d’août, bleu ciel.