Retour au Champ de Foire d’Elbeuf

22 mai 2023


Ce samedi, il fait beau et le bus est gratuit. Je me risque une nouvelle fois à Elbeuf dont le Champ de Foire accueille encore un vide grenier. Il est sept heures lorsque je quitte Rouen. Nous ne sommes que deux passagers. Que de belles villas en chemin. Il n’y a pas que des pauvres sur la rive gauche. Je n’avais pas remarqué qu’il est écrit Petit-Quevilly et Grand-Quevilly sur les panneaux indicateurs, et non pas Le Petit-Quevilly et Le Grand-Quevilly. Le Grand-Bornand échappe à cette amputation.
Pauvres, les exposant(e)s du Champ de Foire le sont pour la plupart. Encore une fois, parmi les quelques livres visibles, rien n’est pour moi.
J’ai peu à attendre le bus de retour. J’en descends place Saint-Sever et entre dans le centre commercial à huit heures et demie, juste pour l’ouverture d’Action. Pour vingt-quatre euros quatre-vingt-quinze, je m’y procure une valise cabine noire qui je l’espère tiendra le coup.
Le métro me conduit rive droite. Place de la Cathédrale, deux moyenâgeux s’adressent à moi pour trouver l’Historial Jeanne d’Arc. Je les renseigne en résistant à l’envie de me moquer.
                                                                   *
A la terrasse du Sacre, où je viens d’arriver après un passage à celle du Son du Cor, un voisin de table m’interpelle :
-Vous êtes comme moi, vous aimez lire dans les cafés. J’étais déjà à côté de vous au Son du Cor.
-Ah oui, me contenté-je de répondre avant de replonger dans mon livre pour le dissuader de poursuivre.
Déjà, il aurait dû dire « Je suis comme vous » et non pas « Vous êtes comme moi ». De plus, il faudrait qu’il lise. Là-bas, il tripotait son ordinateur. Ici, il branle son smartphone.
                                                                    *
Au même endroit, un peu plus tard, s’assoient à ma droite deux barbus, dont l’un au moins est prof. Ils se réjouissent que celles avec qui ils vivent se rapprochent peu à peu de l’islâm. Ils sont d’accord : surtout ne pas les brusquer, se contenter de répondre à leurs questions et un jour elles y viendront.
Quand ils ont terminé leur sirop à l’eau, l’un dit à l’autre : « On va marcher un peu, frère ? ».
Bon débarras.
                                                                     *
Je termine la lecture des Dépossédés de Robert McLiam Wilson et Donovan Wylie, livre acheté au vide grenier de la rue Pierre Mac Orlan. Le premier avait vingt-huit ans quand il fit cette étude de l’exclusion par la pauvreté à Londres, Glasgow et Belfast, le second dix-huit ans quand il en fit les photos.
Ceci :
Lorsqu’on est pauvre, on ressent apparemment un irrésistible désir de prospérité émotionnelle à travers le mariage.