Lorsque cela commence à sentir le roussi pour les nazis. Heinrich Böll est envoyé sur le front de l’Est. C’est là qu’il finira la guerre, blessé.
Suite et fin de mes prélèvements dans Lettres de guerre 1939-1945 publié chez L’Iconoclaste :
A sa femme, à l’Ouest, le vingt-neuf octobre mil neuf cent quarante-trois : A peine étions-nous embarqués hier dans le train – nous avions déjà roulé une demi-heure en direction de la Russie – qu’un horrible attentat a visé notre convoi ; comme par miracle – un vrai miracle – on m’a tiré d’entre trois wagons complètement disloqués, au milieu de morts et de blessés, j’ai juste une contusion à l’épaule et une écorchure à la main, c’est tout. Je t’écrirai encore à ce sujet, c’était horrible.
A sa femme, à l’Est, le quinze novembre mil neuf cent quarante-trois : Nous sommes terrés au bord d’un immense champ de tournesols dont il ne subsiste que les tiges nues de l’automne, pilonné des deux côtés par l’artillerie et labouré en tous sens par les chenilles des chars ; une terre épaisse, lourde et noire comme la poix, dans laquelle nous peinons à creuser nos trous.
A sa femme, Saint-Avold, cinq mars mil neuf cent quarante-quatre : J’ai surmonté cinq ans de guerre, j’ai traversé plus d’un danger et, dans l’ensemble, j’ai eu une sacrée chance, que je ne méritais vraiment pas ; et je pense que je continuerai à avoir de la chance, mais si je dois repartir, ce sera à nouveau pour longtemps.
A sa femme, en Roumanie, le deux juin mil neuf cent quarante-quatre : Avant-hier, à 6 heures du matin, le mercredi après la Pentecôte, j’ai été blessé lors de la dernière attaque, à 20 mètres des lignes russes. Cette fois-ci j’ai réellement reçu « du fer dans le dos » à l’épaule gauche, trois vrais éclats, un affaire assez désagréable, parce que je ne peux pas bien m’allonger ni m’asseoir… (…)
Ces derniers jours étaient vraiment horribles. Je suis très heureux que Dieu m’ait tiré de là. Il avait fait une chaleur atroce, toute la journée, une atmosphère terriblement poussiéreuse, il n’y avait pas une goutte à boire, ni à manger, et nous avancions d’une colline dénudée à l’autre, toujours sous un feu intense, mon Dieu, c’était vraiment l’enfer.
A sa femme, Sepsiszentgyörgy, le cinq juin mil neuf cent quarante-quatre : Dieu sait que je connais maintenant la guerre, je la connais sous tous ses angles, et, je te le dis, (…) ne crois rien de ce qu’on imprime ou de ce qu’on a imprimé à son propos (…), tout ce bavardage idiot et criminel des journaux n’a pas sa place là-dedans ; vraiment, je t’en supplie, ne crois rien de tout cela.
A sa femme, Debrecen, le vingt-trois juin mil neuf cent quarante-quatre : C’est si dur, de passer à côté de la vie, n’est-ce pas ? Toutes ces soirées du mois de juin, ces délicieuses journées de printemps et les innombrables jours d’été qui nous attendent.
A sa femme, Debrecen, le deux juillet mil neuf cent quarante-quatre : … et cela fait maintenant cinq semaines que je végète avec ma blessure dans des lits sales, avec en plus une fièvre dont on ne connaît pas encore les origines et qu’on essaie de traiter avec toutes sortes de pilules. J’ai compris l’absurdité de la folie militaire, et tout simplement la démence de toute guerre.
Tous les soirs j’attends avec impatience le bulletin de la Wehrmacht pour savoir s’il n’apportera pas enfin la vraie grande nouvelle militaire, celle qui laissera entrevoir la fin de la guerre.
Suite et fin de mes prélèvements dans Lettres de guerre 1939-1945 publié chez L’Iconoclaste :
A sa femme, à l’Ouest, le vingt-neuf octobre mil neuf cent quarante-trois : A peine étions-nous embarqués hier dans le train – nous avions déjà roulé une demi-heure en direction de la Russie – qu’un horrible attentat a visé notre convoi ; comme par miracle – un vrai miracle – on m’a tiré d’entre trois wagons complètement disloqués, au milieu de morts et de blessés, j’ai juste une contusion à l’épaule et une écorchure à la main, c’est tout. Je t’écrirai encore à ce sujet, c’était horrible.
A sa femme, à l’Est, le quinze novembre mil neuf cent quarante-trois : Nous sommes terrés au bord d’un immense champ de tournesols dont il ne subsiste que les tiges nues de l’automne, pilonné des deux côtés par l’artillerie et labouré en tous sens par les chenilles des chars ; une terre épaisse, lourde et noire comme la poix, dans laquelle nous peinons à creuser nos trous.
A sa femme, Saint-Avold, cinq mars mil neuf cent quarante-quatre : J’ai surmonté cinq ans de guerre, j’ai traversé plus d’un danger et, dans l’ensemble, j’ai eu une sacrée chance, que je ne méritais vraiment pas ; et je pense que je continuerai à avoir de la chance, mais si je dois repartir, ce sera à nouveau pour longtemps.
A sa femme, en Roumanie, le deux juin mil neuf cent quarante-quatre : Avant-hier, à 6 heures du matin, le mercredi après la Pentecôte, j’ai été blessé lors de la dernière attaque, à 20 mètres des lignes russes. Cette fois-ci j’ai réellement reçu « du fer dans le dos » à l’épaule gauche, trois vrais éclats, un affaire assez désagréable, parce que je ne peux pas bien m’allonger ni m’asseoir… (…)
Ces derniers jours étaient vraiment horribles. Je suis très heureux que Dieu m’ait tiré de là. Il avait fait une chaleur atroce, toute la journée, une atmosphère terriblement poussiéreuse, il n’y avait pas une goutte à boire, ni à manger, et nous avancions d’une colline dénudée à l’autre, toujours sous un feu intense, mon Dieu, c’était vraiment l’enfer.
A sa femme, Sepsiszentgyörgy, le cinq juin mil neuf cent quarante-quatre : Dieu sait que je connais maintenant la guerre, je la connais sous tous ses angles, et, je te le dis, (…) ne crois rien de ce qu’on imprime ou de ce qu’on a imprimé à son propos (…), tout ce bavardage idiot et criminel des journaux n’a pas sa place là-dedans ; vraiment, je t’en supplie, ne crois rien de tout cela.
A sa femme, Debrecen, le vingt-trois juin mil neuf cent quarante-quatre : C’est si dur, de passer à côté de la vie, n’est-ce pas ? Toutes ces soirées du mois de juin, ces délicieuses journées de printemps et les innombrables jours d’été qui nous attendent.
A sa femme, Debrecen, le deux juillet mil neuf cent quarante-quatre : … et cela fait maintenant cinq semaines que je végète avec ma blessure dans des lits sales, avec en plus une fièvre dont on ne connaît pas encore les origines et qu’on essaie de traiter avec toutes sortes de pilules. J’ai compris l’absurdité de la folie militaire, et tout simplement la démence de toute guerre.
Tous les soirs j’attends avec impatience le bulletin de la Wehrmacht pour savoir s’il n’apportera pas enfin la vraie grande nouvelle militaire, celle qui laissera entrevoir la fin de la guerre.