Dans le Quarto qu’a consacré Gallimard à Annie Ernaux, j’ai relu nombre de ses textes et découvert celui qu’elle a consacré à son avortement clandestin sous le titre L’Evénement. D’avoir vécu une chose, quelle qu’elle soit, donne le droit imprescriptible de l’écrire. écrit-elle.
Cet évènement s’est déroulé à Rouen quand elle y était étudiante. Ce fut l’une des périodes les plus angoissantes de son existence. Le garçon était loin et ne se souciait plus d’elle. Dans son entourage, celles sur qui elle comptait l’avaient laissé tomber. De quoi se morfondre de longues après-midi au Café Le Métropole :
J’hésite à écrire : je revois Le Métropole, la petite table où nous étions, près de la porte donnant sur la rue Verte, le garçon de café impassible qui s’appelait Jules et à qui j’avais identifié celui de L’être et le néant, qui n’est pas garçon de café, mais joue à être garçon de café, etc.
Je suis entrée dans la pharmacie la plus proche, en face du Métropole, pour acheter le médicament du docteur N. C’était une femme : « Vous avez une ordonnance ? On ne peut pas vous le donner sans ordonnance. » Je me tenais au milieu de la pharmacie. Derrière le comptoir, deux ou trois pharmaciens en blouse blanche me regardaient. L’absence d’ordonnance signalait ma culpabilité. J’avais l’impression qu’ils voyaient la sonde à travers les vêtements. C’est l’un des moments où j’ai été le plus désespérée.
*
Sur la façade du Métropole est apposée la plaque « Café Le Métropole 1930, Architecte : Etienne Villette, Clients célèbres : Jean Paul Sartre Simone de Beauvoir ». Jean-Paul Sartre, professeur au Havre, et Simone de Beauvoir, professeure à Rouen, s’y retrouvaient avant de prendre le train pour Paris. Je doute qu’Annie Ernaux ait envie de voir ajouter son nom à cette courte liste de clients célèbres.
Cet évènement s’est déroulé à Rouen quand elle y était étudiante. Ce fut l’une des périodes les plus angoissantes de son existence. Le garçon était loin et ne se souciait plus d’elle. Dans son entourage, celles sur qui elle comptait l’avaient laissé tomber. De quoi se morfondre de longues après-midi au Café Le Métropole :
J’hésite à écrire : je revois Le Métropole, la petite table où nous étions, près de la porte donnant sur la rue Verte, le garçon de café impassible qui s’appelait Jules et à qui j’avais identifié celui de L’être et le néant, qui n’est pas garçon de café, mais joue à être garçon de café, etc.
Je suis entrée dans la pharmacie la plus proche, en face du Métropole, pour acheter le médicament du docteur N. C’était une femme : « Vous avez une ordonnance ? On ne peut pas vous le donner sans ordonnance. » Je me tenais au milieu de la pharmacie. Derrière le comptoir, deux ou trois pharmaciens en blouse blanche me regardaient. L’absence d’ordonnance signalait ma culpabilité. J’avais l’impression qu’ils voyaient la sonde à travers les vêtements. C’est l’un des moments où j’ai été le plus désespérée.
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Sur la façade du Métropole est apposée la plaque « Café Le Métropole 1930, Architecte : Etienne Villette, Clients célèbres : Jean Paul Sartre Simone de Beauvoir ». Jean-Paul Sartre, professeur au Havre, et Simone de Beauvoir, professeure à Rouen, s’y retrouvaient avant de prendre le train pour Paris. Je doute qu’Annie Ernaux ait envie de voir ajouter son nom à cette courte liste de clients célèbres.