« Bon bah voilà, encore un mois qui va bientôt se terminer », constate l’un des vieux retraités du samedi matin au Socrate. Leur conversation comme souvent se porte sur la nourriture : « Les nouveaux jeunes, tu leur présentes une tranche de pâté, non c’est fini. Faut des gens comme nous pour aimer ça. » « Chacun son siècle », conclut l’un.
En cette année deux mille vingt-quatre, la fin du mois de mars est marquée par les fêtes de Pâques et le passage à l’heure d’été. Les premières sont à l’origine de concerts de carillon à la Cathédrale. Le second a pour conséquence la plongée dans le noir de ma ruelle et de toute la ville vers six heures du matin. En effet, les automatismes de l’éclairage public ne sont mis à jour que le lendemain de cet évènement. Il ne fait donc pas bon être dans la rue rouennaise à cette heure-là.
Je ne sors que vers huit heures le jour bien levé, et ne reviens du marché qu’avec une tradigraines de Chez Catherine. Puis quoi faire de mieux que de passer ce dimanche avec André Robillard en lisant les entretiens de celui-ci quand il avait quatre-vingt-quatre ans avec Françoise Monnin, rédactrice en chef d’Artension, entretiens publiés par l’éditeur suisse La Bibliothèque des Arts, livre dont j’ai trouvé un exemplaire à un euro chez Book-Off mercredi dernier.
-Longtemps, vous avez offert vos œuvres, à des musées ou à des amis. Puis, vous les avez troquées. Puis, vous les avez vendues. Comment est-ce que cela s’est mis en place ?
-Au début je savais pas combien ça valait, ces machins-là. Dix euros, vingt euros… C’était nouveau. Je ne sais pas combien ça vaut. Mais j’ai déjà vendu un fusil pour deux cents. Des fusils, des animaux, des cosmonautes, des comètes, maintenant tout le monde en veut. Oh là là. Je gagne de l’argent. C’est une victoire, ça. Je demande un peu d’argent. Je prends pas tout mais je prends un peu d’argent pour faire mes courses. Et quand je m’en vais assez loin, mettons quinze jours ou trois semaines, ils me donnent quatre cents cinquante euros. Quand je m’en vais, il faut avertir que j’suis parti. Faut savoir où que j’suis parti.
-Comment rencontrez-vous vos collectionneurs ?
-Il y a des collectionneurs qui viennent chez moi. Ils téléphonent, et puis ils viennent acheter des fusils. J’ai plus rien. Je suis obligé d’en construire. Aujourd’hui j’ai fait quatre dessins. Un paon, un cobra et puis un dinosaure. Je fais des animaux, des comètes, tout ça.
J’ai un collectionneur. Il est de la police. On dira ce qu’on voudra, mais la police, la gendarmerie, ils font quand même leur boulot. Et quand il a deux jours de congé, il vient me voir. Et puis on mange au restaurant. Ben, ça va pas trop mal. Il me fait travailler un peu. Et il me paye. Pour un machin, il me donne cinquante, des fois cent euros. Et puis après, on va manger.
-Comment établissez-vous le prix de vos œuvres ?
-Je vends un fusil deux cents euros. Et deux dessins, cent cinquante euros.
-Avec cet argent vous n’avez jamais eu envie d’aller vivre ailleurs, dans une maison plus grande, acheter des meubles, etc. ?
-Non, ça va. J’achète des chapeaux, des casquettes, des masques.
C’est dans une exposition de la défunte Maison Rouge près de la Bastille que j’ai découvert les fusils pour chasser la misère et les autres œuvres, inspirées par l’espace et la vie animale, de cet artiste qui aura passé presque toute sa vie à l’Hôpital Psychiatrique de Fleury-les-Aubrais, d’abord placé puis choisissant d’y rester.
Aujourd’hui André Robillard a quatre-vingt-douze ans. Ses fusils sont vendus par des galeristes dans les trois mille euros, ses dessins plus de quatre mille euros.
*
Découverte d’un autre artiste hors norme en ce dimanche de Pâques, l’invité de l’émission bien nommée Mauvais Genres sur France Culture : Stu Mead, né en mil neuf cent cinquante-cinq ans dans l'Iowa, peintre et illustrateur américain vivant à Berlin, « surtout connu pour ses travaux mettant en scène de grands tabous comme la sexualité adolescente, la pédophilie et la zoophilie. » (comme dit Ouiquipédia)
En cette année deux mille vingt-quatre, la fin du mois de mars est marquée par les fêtes de Pâques et le passage à l’heure d’été. Les premières sont à l’origine de concerts de carillon à la Cathédrale. Le second a pour conséquence la plongée dans le noir de ma ruelle et de toute la ville vers six heures du matin. En effet, les automatismes de l’éclairage public ne sont mis à jour que le lendemain de cet évènement. Il ne fait donc pas bon être dans la rue rouennaise à cette heure-là.
Je ne sors que vers huit heures le jour bien levé, et ne reviens du marché qu’avec une tradigraines de Chez Catherine. Puis quoi faire de mieux que de passer ce dimanche avec André Robillard en lisant les entretiens de celui-ci quand il avait quatre-vingt-quatre ans avec Françoise Monnin, rédactrice en chef d’Artension, entretiens publiés par l’éditeur suisse La Bibliothèque des Arts, livre dont j’ai trouvé un exemplaire à un euro chez Book-Off mercredi dernier.
-Longtemps, vous avez offert vos œuvres, à des musées ou à des amis. Puis, vous les avez troquées. Puis, vous les avez vendues. Comment est-ce que cela s’est mis en place ?
-Au début je savais pas combien ça valait, ces machins-là. Dix euros, vingt euros… C’était nouveau. Je ne sais pas combien ça vaut. Mais j’ai déjà vendu un fusil pour deux cents. Des fusils, des animaux, des cosmonautes, des comètes, maintenant tout le monde en veut. Oh là là. Je gagne de l’argent. C’est une victoire, ça. Je demande un peu d’argent. Je prends pas tout mais je prends un peu d’argent pour faire mes courses. Et quand je m’en vais assez loin, mettons quinze jours ou trois semaines, ils me donnent quatre cents cinquante euros. Quand je m’en vais, il faut avertir que j’suis parti. Faut savoir où que j’suis parti.
-Comment rencontrez-vous vos collectionneurs ?
-Il y a des collectionneurs qui viennent chez moi. Ils téléphonent, et puis ils viennent acheter des fusils. J’ai plus rien. Je suis obligé d’en construire. Aujourd’hui j’ai fait quatre dessins. Un paon, un cobra et puis un dinosaure. Je fais des animaux, des comètes, tout ça.
J’ai un collectionneur. Il est de la police. On dira ce qu’on voudra, mais la police, la gendarmerie, ils font quand même leur boulot. Et quand il a deux jours de congé, il vient me voir. Et puis on mange au restaurant. Ben, ça va pas trop mal. Il me fait travailler un peu. Et il me paye. Pour un machin, il me donne cinquante, des fois cent euros. Et puis après, on va manger.
-Comment établissez-vous le prix de vos œuvres ?
-Je vends un fusil deux cents euros. Et deux dessins, cent cinquante euros.
-Avec cet argent vous n’avez jamais eu envie d’aller vivre ailleurs, dans une maison plus grande, acheter des meubles, etc. ?
-Non, ça va. J’achète des chapeaux, des casquettes, des masques.
C’est dans une exposition de la défunte Maison Rouge près de la Bastille que j’ai découvert les fusils pour chasser la misère et les autres œuvres, inspirées par l’espace et la vie animale, de cet artiste qui aura passé presque toute sa vie à l’Hôpital Psychiatrique de Fleury-les-Aubrais, d’abord placé puis choisissant d’y rester.
Aujourd’hui André Robillard a quatre-vingt-douze ans. Ses fusils sont vendus par des galeristes dans les trois mille euros, ses dessins plus de quatre mille euros.
*
Découverte d’un autre artiste hors norme en ce dimanche de Pâques, l’invité de l’émission bien nommée Mauvais Genres sur France Culture : Stu Mead, né en mil neuf cent cinquante-cinq ans dans l'Iowa, peintre et illustrateur américain vivant à Berlin, « surtout connu pour ses travaux mettant en scène de grands tabous comme la sexualité adolescente, la pédophilie et la zoophilie. » (comme dit Ouiquipédia)