Neuf heures chez les opticiens mutualistes

20 juin 2020


Une femme m’a précédé un peu avant neuf heures devant la porte encore fermée des opticiens mutualistes de la rue de la Champmeslé. Une opticienne arrivant à bicyclette nous propose d’attendre à l’intérieur, masqués tous les deux. Cette dame a rendez-vous à neuf heures. Je découvre qu’il en fallait un, rapport au coronavirus. J’indique à l’opticien qui me le confirme que c’est juste pour changer les verres, que je n’ai pas envie d’une nouvelle monture. Il va voir si on peut me prendre quand même.
-Venez avec moi, me dit-il quand il réapparait, je vais m’occuper de vous.
Tandis que son ordinateur démarre lentement, je lui demande si c’est normal que l’antireflet de mes verres ait été détruit par le soleil en seulement deux ans.
Il est surpris car ce sont des Essilor.
C’est pourtant la deuxième fois que ça m’arrive, lui dis-je. Ne serait-ce pas de l’obsolescence programmée ? Il ne se prononce pas, entre un tas de renseignements dans son ordinateur puis me propose trois devis en commençant par le « reste à charge zéro», avec quand même des Essilor, que ma mutuelle est obligée de rembourser totalement, puis un plus cher avec aussi des Essilor et pas mal de reste à charge, enfin un intermédiaire avec des verres d’une autre marque mais bien quand même. L’avantage des deux derniers, c’est une plus grande largeur de vision sans avoir à tourner la tête.
-C’est utile pour conduire, lui dis-je.
-Oui voilà, me répond-il plein d’espoir.
-Je ne conduis plus, lui dis-je, je vais me contenter du reste à charge zéro.
Il ne montre pas trop sa déception. Si l’antireflet ne doit pas durer plus de deux ans, inutile que je fasse des frais, ne lui dis-je pas.
Il entre encore un tas de renseignements dans l'ordinateur et m’annonce qu’il ne faut pas compter les avoir avant huit dix jours.
Moi qui comptais récupérer ces lunettes avant de partir en escapade. Il écrit « urgent » sur mon dossier et je lui donne mon adresse mail pour être prévenu dès que ce sera prêt. Si ça traîne trop, je viendrai les chercher à mon retour. Je ne peux lui dire quel jour car, comme Malbrough, ne sais quand reviendrai.
Il est dix heures moins le quart quand il en a fini avec moi et peut prendre en charge une qui avait rendez-vous à neuf heures et demie.
                                                                      *
Le masque ôté, porteur d’anciennes lunettes aux verres intacts, je rentre à la maison, croisant en chemin les soldats de l’opération Sentinelle, certains à lunettes et tous débarrassés de leur masque qu’ils n’auront pas supporté longtemps.