Le comte Kessler, ce qu’il rapporte sur Anatole France

5 novembre 2014


Qui lit aujourd’hui  Anatole France, ancienne gloire de la littérature française? Pas grand monde, je pense. Déjà quand j’étais enfant, il devait lui rester peu d’admirateurs, hormis les rédacteurs de livres scolaires qui les truffaient d’extraits de ses romans, dont pas mal servaient pour les dictées. Dans ses Cahiers 1918-1937, à la date du samedi trois janvier mil neuf cent vingt-cinq, le comte Kessler en dresse un portrait réjouissant d’après les confidences que lui fait à Paris une certaine madame Sautreau, ancienne demoiselle Björnson :
Malgré un large budget d’entretien, la maison de Mme de Caillavet était d’un désordre et d’une saleté indescriptibles. (…) France l’avait conduite, elle, la jeune Mlle Björnson, dans un salon voisin et il avait commencé à lui raconter des histoires particulièrement obscènes qu’elle avait écoutées stoïquement comme il convient à une fille Björnson, tout en le regardant d’un air glacial, avec ses grands yeux bleus.
France était un vieillard de peu d’apparence, remarquablement malpropre. A ce propos Mme de Caillavet avait dit à haute voix : « Je sais qu’il va voir une maîtresse aujourd’hui, il s’est lavé les pieds ce matin. » (…)
Après la mort de Mme de Caillavet, France avait fini par épouser la femme de chambre de celle-ci. J’en ai demandé la raison à Duvernois : « France ne pouvait plus aller seul à une soirée, a-t-il répondu, la vieille femme de chambre l’accompagnait toujours. Ça a fini par créer une situation impossible, on ne savait jamais où la placer à table. Alors, pour simplifier, France l’a épousée. »