Pour l’œil droit, je suis convoqué ce mardi douze novembre à douze heures trente à l’usine ophtalmologique. J’y arrive à pied en avance. Les formalités d’admission faites à l’accueil, je monte au premier étage où je rejoins d’autres malvoyants devant être opérés comme moi de la cataracte. Nous sommes la matière première nécessaire au fonctionnement de l’usine. De temps en temps sort un vieux ou une vieille avec un cache sur l’œil mais personne n’est invité à entrer.
Enfin, vers quatorze heures, une infirmière nous dit qu’on va passer à l’après-midi. Je suis appelé assez vite par un infirmier. Si j’étais moins stressé que la première fois, il se charge de faire remonter la pression quand il me reproche de ne pas avoir prévu mon retour à domicile en transport sanitaire alors qu’on m’a toujours dit que c’était une infirmière qui s’en chargerait. Le problème vient de ce que la secrétaire du boss n’a fait qu’un seul bon pour les deux opérations. L’ambulancier de la première fois l’a gardé. Cet infirmier désagréable me dit que je vais devoir rentrer à mes frais. Heureusement, une infirmière sympathique prend le relais et me dit que ça va s’arranger.
C’est avec elle que je me mets en tenue de malade. Elle me fait asseoir dans l’un des lits à roulettes puis me déplace. Au bout d’un moment une autre infirmière m’y allonge. Elle fixe les instruments de mesure sur mon corps. Arrive un anesthésiste que je suppose jeune au son de sa voix, mais que je ne vois pas car j’ai déjà des gouttes dans l’œil à opérer et garde l’autre fermé.
Ce jeune médecin doit trouver une veine pour le cathéter de la perfusion destinée à me shooter. Il essaie sur le dos de la main gauche là où je lui ai dit que son confrère l’avait fait la semaine dernière, puis sur le dos de la main droite. Il me fait mal pour rien. Nouvelle tentative avec les veines du bras droit où, après m’avoir fait encore une fois bien mal, il y arrive enfin.
Pendant ce temps, l’infirmière continue à me mettre des gouttes dans l’œil droit. Il s’agit de dilater la pupille et celle-ci résiste. Si bien qu’à un moment, elle se trompe et me met des gouttes dans l’œil gauche déjà opéré. Je proteste. Elle me dit que ce n’est pas grave. « Je vais vous enlever ça avec de l’eau. » Ce qu’elle fait. Avant que j’aie pu réagir, elle me tamponne la paupière et repasse à l’œil droit jusqu’à ce que la pupille soit enfin suffisamment dilatée.
Bientôt on me dit que l’on va m’emmener dans la salle d’opération. Le boss, que je ne vois pas, me dit bonjour. Comme la première fois, je ne me rends pas compte de ce qu’il me fait et cela ne dure pas longtemps.
Je suis de nouveau à l’extérieur. Il faut patienter allongé. J’entends les infirmières et infirmiers discuter des cartes Pokémon.
Au bout d’une demi-heure, on vient me dire que je vais pouvoir me lever pour aller prendre une collation. Cette collation est ce que l’on appelait un petit-déjeuner la fois précédente, café noir, jus d’orange, brioche, confiture, auxquels est ajouté un yaourt (jus de fruit industriel et confiture industrielle, de la nourriture que les médecins vous déconseillent de consommer).
Je dois rester à ma table jusqu’à ce qu’une nouvelle infirmière vienne faire les formalités de sortie qui consistent à prendre une dernière fois ma tension, laquelle est encore une fois plus élevée qu’à l’ordinaire, et à me délivrer une autorisation de quitter les lieux. « Un œil ne fait pas l’autre », me dit cette infirmière quand je lui dis que cela s’étant bien passé pour le premier, j’espère qu’il en est de même pour le second.
Je suis ensuite conduit jusqu’au vestiaire. Je ne sais combien nous étions cet après-midi dans l’usine ophtalmologique. Une infirmière m’a dit qu’il y a quarante casiers dans ce vestiaire.
Rhabillé, j’attends que l’on vienne me chercher. C’est une jolie ambulancière qui appelle mon nom. Avec elle je repasse à l’accueil pour régler la facture du dépassement de l’anesthésiste. « Cent euros ! Il ne se gêne pas », me dit la secrétaire. « Et cela pour me charcuter », ne lui dis-je pas. Je retrouve mon ambulancière. Par un chemin que lui dicte son Gépéhesse et qui n’est pas le plus court, elle me ramène chez moi. Il est seize heures trente.
Je passe une nuit moyenne, l’œil droit muni d’un cache scotché et le gauche muni d’un couvre-œil comme il l’est chaque nuit depuis quelques jours.
Au matin, j’ai la désagréable surprise de constater qu’une sorte d’arc de cercle suit le déplacement de cet œil gauche qui a reçu des gouttes par erreur. Je m’inquiète car je crains que cela soit la conséquence de l’erreur de l’infirmière. Vers neuf heures, je téléphone au numéro que l’on m’a donné en cas de problème et explique le mien. Ce téléphone se trouve dans la salle de sortie, me dit l’infirmière qui me répond. Elle ne peut rien me dire sur ce qui m’arrive mais transfère mon appel à la secrétaire du boss.
Celle-ci, qui a l’air de connaître la médecine, me dit que les gouttes mises par erreur ont fait dilater la pupille. Elle me demande si cela diminue ma vue, car c’est ça qui serait inquiétant. Ce n’est pas le cas. Elle me dit qu’elle va en informer le boss et que si cela se maintenait de passer au cabinet vendredi matin pour faire un contrôle.
Un peu rassuré, je retourne m’asseoir dans mon fauteuil de ministre. Mon œil droit voit encore flou et avec l’autre je ne peux lire ce qui est proche. Au fil de la journée, mon œil nouvellement opéré voit de mieux en mieux.
*
Jour trois pour l’œil droit. L’arc de cercle de l’œil gauche est toujours là. Demain direction le cabinet du boss. Je passe chez Ecouter Voir demander s’il y aurait une possibilité de lunettes provisoires pour que je puisse lire un livre. « Votre vue va évoluer pendant un mois jusqu’à la cicatrisation, me dit celle qui me reçoit, il va vous falloir patienter. » Au moins puis-je lire ce qui est à distance, par exemple l’écran de mon ordinateur et dans mon lit, en le tenant assez loin, un livre.
*
Avant les opérations, des messages de sympathie reçus par mail et via Effe Bé, dont deux propositions d’aide si j’avais besoin, auxquelles s’ajoute celle de ma voisine. Je n’en ai pas eu besoin mais j’apprécie le geste.
Enfin, vers quatorze heures, une infirmière nous dit qu’on va passer à l’après-midi. Je suis appelé assez vite par un infirmier. Si j’étais moins stressé que la première fois, il se charge de faire remonter la pression quand il me reproche de ne pas avoir prévu mon retour à domicile en transport sanitaire alors qu’on m’a toujours dit que c’était une infirmière qui s’en chargerait. Le problème vient de ce que la secrétaire du boss n’a fait qu’un seul bon pour les deux opérations. L’ambulancier de la première fois l’a gardé. Cet infirmier désagréable me dit que je vais devoir rentrer à mes frais. Heureusement, une infirmière sympathique prend le relais et me dit que ça va s’arranger.
C’est avec elle que je me mets en tenue de malade. Elle me fait asseoir dans l’un des lits à roulettes puis me déplace. Au bout d’un moment une autre infirmière m’y allonge. Elle fixe les instruments de mesure sur mon corps. Arrive un anesthésiste que je suppose jeune au son de sa voix, mais que je ne vois pas car j’ai déjà des gouttes dans l’œil à opérer et garde l’autre fermé.
Ce jeune médecin doit trouver une veine pour le cathéter de la perfusion destinée à me shooter. Il essaie sur le dos de la main gauche là où je lui ai dit que son confrère l’avait fait la semaine dernière, puis sur le dos de la main droite. Il me fait mal pour rien. Nouvelle tentative avec les veines du bras droit où, après m’avoir fait encore une fois bien mal, il y arrive enfin.
Pendant ce temps, l’infirmière continue à me mettre des gouttes dans l’œil droit. Il s’agit de dilater la pupille et celle-ci résiste. Si bien qu’à un moment, elle se trompe et me met des gouttes dans l’œil gauche déjà opéré. Je proteste. Elle me dit que ce n’est pas grave. « Je vais vous enlever ça avec de l’eau. » Ce qu’elle fait. Avant que j’aie pu réagir, elle me tamponne la paupière et repasse à l’œil droit jusqu’à ce que la pupille soit enfin suffisamment dilatée.
Bientôt on me dit que l’on va m’emmener dans la salle d’opération. Le boss, que je ne vois pas, me dit bonjour. Comme la première fois, je ne me rends pas compte de ce qu’il me fait et cela ne dure pas longtemps.
Je suis de nouveau à l’extérieur. Il faut patienter allongé. J’entends les infirmières et infirmiers discuter des cartes Pokémon.
Au bout d’une demi-heure, on vient me dire que je vais pouvoir me lever pour aller prendre une collation. Cette collation est ce que l’on appelait un petit-déjeuner la fois précédente, café noir, jus d’orange, brioche, confiture, auxquels est ajouté un yaourt (jus de fruit industriel et confiture industrielle, de la nourriture que les médecins vous déconseillent de consommer).
Je dois rester à ma table jusqu’à ce qu’une nouvelle infirmière vienne faire les formalités de sortie qui consistent à prendre une dernière fois ma tension, laquelle est encore une fois plus élevée qu’à l’ordinaire, et à me délivrer une autorisation de quitter les lieux. « Un œil ne fait pas l’autre », me dit cette infirmière quand je lui dis que cela s’étant bien passé pour le premier, j’espère qu’il en est de même pour le second.
Je suis ensuite conduit jusqu’au vestiaire. Je ne sais combien nous étions cet après-midi dans l’usine ophtalmologique. Une infirmière m’a dit qu’il y a quarante casiers dans ce vestiaire.
Rhabillé, j’attends que l’on vienne me chercher. C’est une jolie ambulancière qui appelle mon nom. Avec elle je repasse à l’accueil pour régler la facture du dépassement de l’anesthésiste. « Cent euros ! Il ne se gêne pas », me dit la secrétaire. « Et cela pour me charcuter », ne lui dis-je pas. Je retrouve mon ambulancière. Par un chemin que lui dicte son Gépéhesse et qui n’est pas le plus court, elle me ramène chez moi. Il est seize heures trente.
Je passe une nuit moyenne, l’œil droit muni d’un cache scotché et le gauche muni d’un couvre-œil comme il l’est chaque nuit depuis quelques jours.
Au matin, j’ai la désagréable surprise de constater qu’une sorte d’arc de cercle suit le déplacement de cet œil gauche qui a reçu des gouttes par erreur. Je m’inquiète car je crains que cela soit la conséquence de l’erreur de l’infirmière. Vers neuf heures, je téléphone au numéro que l’on m’a donné en cas de problème et explique le mien. Ce téléphone se trouve dans la salle de sortie, me dit l’infirmière qui me répond. Elle ne peut rien me dire sur ce qui m’arrive mais transfère mon appel à la secrétaire du boss.
Celle-ci, qui a l’air de connaître la médecine, me dit que les gouttes mises par erreur ont fait dilater la pupille. Elle me demande si cela diminue ma vue, car c’est ça qui serait inquiétant. Ce n’est pas le cas. Elle me dit qu’elle va en informer le boss et que si cela se maintenait de passer au cabinet vendredi matin pour faire un contrôle.
Un peu rassuré, je retourne m’asseoir dans mon fauteuil de ministre. Mon œil droit voit encore flou et avec l’autre je ne peux lire ce qui est proche. Au fil de la journée, mon œil nouvellement opéré voit de mieux en mieux.
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Jour trois pour l’œil droit. L’arc de cercle de l’œil gauche est toujours là. Demain direction le cabinet du boss. Je passe chez Ecouter Voir demander s’il y aurait une possibilité de lunettes provisoires pour que je puisse lire un livre. « Votre vue va évoluer pendant un mois jusqu’à la cicatrisation, me dit celle qui me reçoit, il va vous falloir patienter. » Au moins puis-je lire ce qui est à distance, par exemple l’écran de mon ordinateur et dans mon lit, en le tenant assez loin, un livre.
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Avant les opérations, des messages de sympathie reçus par mail et via Effe Bé, dont deux propositions d’aide si j’avais besoin, auxquelles s’ajoute celle de ma voisine. Je n’en ai pas eu besoin mais j’apprécie le geste.