Inaugurant la dictée avec les Lettres galantes à Mme de Godeville de Beaumarchais

12 février 2024


Ce dimanche un peu avant treize heures arrive l’aimable étudiant avec qui j’ai bu un café mardi dernier. En effet, au cours de notre conversation, alors que je lui disais le temps fou que je passais à transcrire avec deux doigts et un tas de fautes de frappe, des extraits de livres lus, il m’a appris que mon smartphone pouvait me permettre de lire le texte qui serait automatiquement mis à l’écrit sur l’écran, lequel texte je pourrais envoyer à moi-même par mail.
D’où ce rendez-vous dominical pour concrétiser cette possibilité puis boire un café ensemble.
C’est ainsi qu’après son départ, je dicte ces extraits de Lettres galantes à Mme de Godeville de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, un livre lu il y a je ne sais combien de mois :
Vendredi matin quatre avril mil sept cent soixante-dix-sept. Si je rendais alors les femmes malheureuses, c’est que chacune voulait être exclusivement heureuse, et qu’il me paraissait que dans cet immense jardin qu’on appelle le monde, chaque fleur avait droit au coup d’œil de l’amateur. 
Jeudi dix avril mil sept cent soixante-dix-sept. Voilà, Madame, comme on écrit dans mon cabinet. Et si vous n’en êtes pas contente, attendez-moi dans le vôtre ; et là, dépouillant… tout artifice, montrez-moi toute nue… la vérité de vos sentiments.
Mercredi matin seize avril mil sept cent soixante-dix-sept. Que l’on s’examine de bonne foi, chacun sentira dans son amitié pour une femme un arrière goût d’amour, je ne sais quoi de spermatique qui anime le commerce et le vivifie.
Vendredi six juin mil sept cent soixante-dix-sept. J’espère que mon doigt me vengera de tant d’injures, et quand je t’entendrai me dire : Ah ! B…, tu me tues, arrête, arrête ! –Non coquette, non déshonnête, non volcan, tourbillon, fureur, etc., etc., tu mourras de ma main, meurs, verse ton sang, la couleur n’y fait rien ; rends-moi l’âme à travers des flots de… Foutre de moi ! J’allais dire une sottise. 
Mardi vingt-quatre juin mil sept cent soixante-dix-sept. J’ouvre ta lettre, j’y trouve : comment te portes-tu ? que fais-tu ? m’aimes-tu ? À cela je réponds : bien, rien, oui. 
Lundi dix-huit août mil sept cent soixante-dix-sept. Tu me rappelles une petite friponne de maîtresse, bien hautaine, bien capricieuse, mais qui aimait le plaisir autant que moi, et c’était beaucoup dire alors. Quand nous nous étions bien chamaillés, et qu’elle me voyait prêt à partir furieux, elle me disait : Eh bien ! va-t-en, je n’ai pas besoin d’amant, moi ; je m’en conte fort bien à moi-même ; et tout en grondant, elle se renversait et me donnait le spectacle de ses cuisses émues et du charmant exercice de son doigt sur le plus joli petit … Va-t-en donc, disait-elle, va-t-en donc. Je n’y pouvais tenir, je me jetais dans ses bras et lorsqu’un plaisir arraché d’autorité me faisait pâmer sur elle, ma friponne en me baisant au front me disait : Je savais bien, moi, que je vous mettrais à la raison ! 
Jeudi vingt-huit août mil sept cent soixante-dix-sept. Je ne voudrais point d’une maîtresse qui fût une putain ; mais je ne hais pas que ma maîtresse soit un peu putain.   
Mardi neuf septembre mil sept cent soixante-dix-sept. Dis-moi ce que tu sens, ce que tu veux, ce que tu désires, ce que tu espères, ce que tu te fais, et ce que je devrais te faire. Montre-moi ma pauvre maîtresse essayant de me suppléer par un doux effort de son doigt majeur, se fatiguant à prendre une peine dont elle voudrait bien me laisser le plaisir.
Samedi vingt septembre mil sept cent soixante-dix-sept. Tu veux de mes cheveux ? Prends-en, qui t’en empêche ? Tu désires être caressée ? Eh bien, dis : Baise-moi, Jâquo, donne la patte mon fils. Tu veux que mon doigt t’amuse ? approche ta petite bouche et dis : gratte péraut. Tu veux voir ta poupée pâmer et rendre l’âme avec un soupir de bonheur ? C’est sous l’aile, auprès de la hanche qu’il faut porter ta main chatouilleuse. (…) Quand j’arrive, qui t’empêche de me dire : Donne-moi du plaisir, j’en veux, j’en ai besoin, je m’en meurs ? (…) Tant que je ne bande pas ou ne te vois pas bander je suis ton ami ; mais lorsque tu bats le briquet ou sur moi ou sur toi, je m’allume, et quoi que je ne sois qu’une faible allumette, elle est encore prête à brûler pour toi par ses deux bouts soufrés. (…)  Au lieu de dormir devant mon portrait, joue-lui un petit air d’amour au nez, et garde pour moi le reste de ta serinette.
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« … et garde pour moi le reste de ta sœur Inette » a transcrit mon smartphone. Il y a bien sûr quelques corrections à faire, mais globalement le gain de temps est appréciable. Il aurait fallu que je sache ça plus tôt mais personne avant lui n’a jugé bon de me donner l’information.