Ce vendredi après-midi trente et un mars est proposée à celles et ceux qui ont eu le privilège de recevoir un carton d’invitation une visite gratuite en avant-première de l’exposition Boisgeloup : l’atelier normand de Picasso au Musée des Beaux-Arts de Rouen (le vernissage et son buffet étant réservés aux officiel(le)s et à leurs invité(e)s en début de soirée).
Point de carton dans ma boîte à lettres cette fois, je ne sais pourquoi, mais j’ai pu en obtenir un à l’accueil la veille grâce à l’intercession d’une aimable employée qui a osé en réclamer un à l’un des membres du staff stressé. J’entre donc dans le bâtiment à deux heures quinze ayant été rejoint à sa porte par l’un que je connais. L’ayant croisé le matin même rue des Bons-Enfants, je lui ai proposé de profiter de mon invitation « valable pour deux personnes ».
Une fois à l’intérieur nous nous séparons. Pablo Picasso vivait au château du Boisgeloup, hameau de Gisors, quand il était marié avec Olga tout en ayant une histoire parallèle avec Marie-Thérèse « une jolie blonde de 17 ans éclatante de santé, cheveux au carré et profil droit » rencontrée à Paris près des Galeries Lafayette le huit janvier mil neuf cent vingt-six.
Les tableaux, les sculptures et les dessins ici montrés viennent essentiellement du Musée Picasso. Parmi ces derniers me retiennent la série des accouplements et celle du Minotaure, lequel devenu aveugle comme Œdipe est guidé par une petite fille dont les traits sont ceux de la jeune amante de l’artiste. Des documents sont en complément, dont cette lettre de Marie-Thérèse Walter (82 rue des Petits-Champs), datée du trente août mil neuf cent trente-deux, copiée par mes soins :
« Cher Monsieur Picasso
Serait-il possible que je viens faire les photographies un jour du commencement de la semaine prochaine ? J’aimerais tellement profiter du beau temps et faire une belle série d’instantanés. J’attends avec impatience un mot de vous. Bien sincèrement. »
Cette exposition intéressante est complétée par deux autres de moindre importance que je visite rapidement : Picasso : Sculptures Céramiques au dernier étage, surchauffé, du Musée de la Céramique (en redescendant vue d’ensemble sur le square Verdrel saccagé) et González/Picasso : une amitié de fer dans la partie centrale et une petite salle annexe du Musée de la Ferronnerie Le Secq des Tournelles. Cette dernière est organisée par le Centre Pompidou pour ses quarante ans, une occasion de sortir des réserves les sculptures métalliques de Julio González, ami de Picasso (s’il n’avait dû compter que sur son talent artistique, il ne serait sans doute plus exposé).
*
Il s’en faut de peu que Le Boisgeloup ne soit pas situé dans l’Eure. Aurait-il été cinq kilomètres plus loin, dans l’Oise, que le Musée des Beaux-Arts de Rouen n’aurait pas pu monter l’exposition consacrée aux œuvres que Picasso y fit quand il en habitait le château, car ici les évènements culturels doivent être normando-centrés selon le souhait des politicien(ne)s élu(e)s de droite comme de gauche.
C’est une déclinaison douce du « On est chez nous » des électrices et électeurs de la fille Le Pen.
*
Plongé dans la lecture du deuxième tome du Journal de Korneï Tchoukovski (Fayard) à la terrasse du Son du Cor ce jeudi en début d’après-midi, je profite du soleil en compagnie de pas mal d’autres dont une fille souvent cliente ici qui m’offre depuis deux ans un bonjour souriant où que l’on se croise, qu’elle soit seule ou en compagnie. Quand sa table passe à l’ombre, elle vient s’asseoir à côté de moi.
-Je me rapproche, c’est pour le soleil.
-Oui, je sais bien que ce n’est pas pour moi.
Quand elle fait une pause dans la correction de ses copies, j’ose lui adresser la parole. Elle me dit son goût particulier pour les oiseaux et la littérature mexicaine contemporaine, me cite le nom d’Ana Clavel. « Ce nom me dit quelque chose », lui dis-je mais ensuite j’ai un doute.
Rentré, j’explore ma bibliothèque et y trouve un livre signé Ana Clavel : Les Violettes sont les fleurs du désir publié chez Métaillé, qu’après avoir lu j’ai jugé suffisamment attachant pour le garder. En quatrième de couverture de ce roman « singulier et délicatement scandaleux », on évoque Cortázar, Nabokov et Bellmer.
*
Note de chevet à la manière de Sei Shōnagon.
Chose qui fait du bien quand on a atteint l’âge de la vieillesse :
Une fille jeune qui te tutoie d’emblée, avant même que tu aies fait de même avec elle : « Qu’est-ce que tu lis ? »
Point de carton dans ma boîte à lettres cette fois, je ne sais pourquoi, mais j’ai pu en obtenir un à l’accueil la veille grâce à l’intercession d’une aimable employée qui a osé en réclamer un à l’un des membres du staff stressé. J’entre donc dans le bâtiment à deux heures quinze ayant été rejoint à sa porte par l’un que je connais. L’ayant croisé le matin même rue des Bons-Enfants, je lui ai proposé de profiter de mon invitation « valable pour deux personnes ».
Une fois à l’intérieur nous nous séparons. Pablo Picasso vivait au château du Boisgeloup, hameau de Gisors, quand il était marié avec Olga tout en ayant une histoire parallèle avec Marie-Thérèse « une jolie blonde de 17 ans éclatante de santé, cheveux au carré et profil droit » rencontrée à Paris près des Galeries Lafayette le huit janvier mil neuf cent vingt-six.
Les tableaux, les sculptures et les dessins ici montrés viennent essentiellement du Musée Picasso. Parmi ces derniers me retiennent la série des accouplements et celle du Minotaure, lequel devenu aveugle comme Œdipe est guidé par une petite fille dont les traits sont ceux de la jeune amante de l’artiste. Des documents sont en complément, dont cette lettre de Marie-Thérèse Walter (82 rue des Petits-Champs), datée du trente août mil neuf cent trente-deux, copiée par mes soins :
« Cher Monsieur Picasso
Serait-il possible que je viens faire les photographies un jour du commencement de la semaine prochaine ? J’aimerais tellement profiter du beau temps et faire une belle série d’instantanés. J’attends avec impatience un mot de vous. Bien sincèrement. »
Cette exposition intéressante est complétée par deux autres de moindre importance que je visite rapidement : Picasso : Sculptures Céramiques au dernier étage, surchauffé, du Musée de la Céramique (en redescendant vue d’ensemble sur le square Verdrel saccagé) et González/Picasso : une amitié de fer dans la partie centrale et une petite salle annexe du Musée de la Ferronnerie Le Secq des Tournelles. Cette dernière est organisée par le Centre Pompidou pour ses quarante ans, une occasion de sortir des réserves les sculptures métalliques de Julio González, ami de Picasso (s’il n’avait dû compter que sur son talent artistique, il ne serait sans doute plus exposé).
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Il s’en faut de peu que Le Boisgeloup ne soit pas situé dans l’Eure. Aurait-il été cinq kilomètres plus loin, dans l’Oise, que le Musée des Beaux-Arts de Rouen n’aurait pas pu monter l’exposition consacrée aux œuvres que Picasso y fit quand il en habitait le château, car ici les évènements culturels doivent être normando-centrés selon le souhait des politicien(ne)s élu(e)s de droite comme de gauche.
C’est une déclinaison douce du « On est chez nous » des électrices et électeurs de la fille Le Pen.
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Plongé dans la lecture du deuxième tome du Journal de Korneï Tchoukovski (Fayard) à la terrasse du Son du Cor ce jeudi en début d’après-midi, je profite du soleil en compagnie de pas mal d’autres dont une fille souvent cliente ici qui m’offre depuis deux ans un bonjour souriant où que l’on se croise, qu’elle soit seule ou en compagnie. Quand sa table passe à l’ombre, elle vient s’asseoir à côté de moi.
-Je me rapproche, c’est pour le soleil.
-Oui, je sais bien que ce n’est pas pour moi.
Quand elle fait une pause dans la correction de ses copies, j’ose lui adresser la parole. Elle me dit son goût particulier pour les oiseaux et la littérature mexicaine contemporaine, me cite le nom d’Ana Clavel. « Ce nom me dit quelque chose », lui dis-je mais ensuite j’ai un doute.
Rentré, j’explore ma bibliothèque et y trouve un livre signé Ana Clavel : Les Violettes sont les fleurs du désir publié chez Métaillé, qu’après avoir lu j’ai jugé suffisamment attachant pour le garder. En quatrième de couverture de ce roman « singulier et délicatement scandaleux », on évoque Cortázar, Nabokov et Bellmer.
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Note de chevet à la manière de Sei Shōnagon.
Chose qui fait du bien quand on a atteint l’âge de la vieillesse :
Une fille jeune qui te tutoie d’emblée, avant même que tu aies fait de même avec elle : « Qu’est-ce que tu lis ? »