Exposition Bacon en toutes lettres au Centre Pompidou

14 septembre 2019


Sur le derrière de Pompidou trois entrées temporaires sont ouvertes, la première pour le tout-venant qui vient voir l’exposition permanente, la deuxième pour les visiteurs à créneau horaire obligatoire de l’exposition Bacon en toutes lettres dont c’est le premier jour ce mercredi, la troisième pour les prioritaires dont les adhérents et j’en suis.
Vite entré je descends l’escalier métallique provisoire qui mène au niveau Zéro et, après m’être délesté de mon sac, monte par la chenille toujours vaillante au niveau Six. Là point de file prioritaire pour l’adhérent, il faut se mettre avec les créneaux horaires qui avancent à la vitesse du scannage de leur mobile. Tous prioritaires nous sommes, ce qui est assez oxymorique. Cela va néanmoins assez vite. Bientôt je peux montrer ma carte Pop.
Cette exposition présente les peintures des vingt dernières années de Francis Bacon, de grands tableaux épurés et colorés, beaucoup en triptyques, dont dans une même salle les trois évoquant le suicide de son amant George Dyer le vingt-quatre octobre mil neuf cent soixante et onze à l’Hôtel des Saints Pères où séjournaient les deux hommes, c’était deux jours avant le vernissage de l’expo Bacon au Grand Palais.
La plupart des peintures sont recouvertes d’une vitre, ce qui donnera de beaux reflets sur les photographies que beaucoup prennent. Seules celles de la première salle ne sont pas protégées, ce qui me permet d’examiner le grain de la matière.
D’une certaine manière, quand tu as vu un Bacon, tu les as tous vus. Il ne m’étonne pas que possédant la technique on puisse facilement en peindre des faux, comme le faisait un ancien Beauzarteux de ma connaissance à la demande d’homosexuels rouennais désireux de décorer leur salon, de vrais faux, pas des copies de tableaux existants.
Avec tous ses nus masculins, Bacon repose des peintres qui ont la femme pour sujet de prédilection, me dis-je en constatant qu’il y a quand même un Nu féminin se tenant dans l’embrasure d’une porte. On trouve là également deux peintures floues représentant des dunes de sable que je trouve bien moches. En revanche, j’aime particulièrement, pour son cadrage, Scène de rue (avec une voiture au loin).
Il règne en ce lieu un apaisant murmure. L’avantage de visiter avant que tout le monde en parle, c’est d’échapper aux conférenciers, aux groupes de tous âges et aux trios d’institutrices retraitées membres d’une association d’artistes amateurs qui commentent à voix haute. Quand même, un vieux beau entouré de sa petite cour féminine explique à ces dames ce qu’il convient de penser.
-On ne voit pas souvent le sexe, constate l’une devant un des corps masculins qui justement le montre.
-Oui, ça fait assez pine d’huître, déclare le pignouf.
Une femme assise à ma droite sur un banc porte comme moi autant d’intérêt au public qu’aux peintures. Elle photographie discrètement un couple de garçons anglais tatoués, bijoutés, coiffés et habillés excentriquement, main dans la main. 
Six salles annexes, dans une semi pénombre, permettent à qui veut d’entendre, lus pas des acteurs renommés, des textes d’auteurs ayant inspiré l’artiste (d’où le titre de l’expo) : Eschyle, Nietzsche, T.S. Eliot, Leiris, Conrad, Bataille. Je n’y entre pas.
Juste avant la sortie, sur grand écran, est diffusée une vidéo d’interviou de Bacon dont le visage est déjà une de ses peintures. Je fends la foule qui s’agglomère devant et regagne le niveau Zéro.
                                                                    *
« La richesse de sa bibliothèque, composée de plus de mille ouvrages, démontre son intérêt pour le livre », explique le dépliant mis a disposition des visiteurs. A ce compte-là, je suis un super riche.