En relisant la Correspondance de François Truffaut (quatre)

12 juillet 2017


Suite et fin des notes prises lors de ma relecture de la Correspondance de François Truffaut (Le Livre de Poche) avec pour commencer un bon étrillage de Godard :
Jean-Luc. Pour ne pas t’obliger à lire cette lettre désagréable jusqu’au bout, je commence par l’essentiel : je n’entrerai pas en coproduction dans ton film. (…)
… je n’ai plus rien éprouvé pour toi que du mépris, quand j’ai vu dans Vent d’est la séquence : comment fabriquer un cocktail Molotov et qu’un an plus tard, tu t’es dégonflé quand on nous a demandé de distribuer, pour la première fois, La Cause du Peuple dans la rue… (…)
Qui te traitait de génie, quoi que tu fasses, sinon cette fameuse gauche élégante qui va de Susan Sontag à Bertolucci via Richard Roud, Alain Jouffroy, Bourseiller, Cournot et même si tu paraissais imperméable à la vanité, à cause d’eux tu singeais les grands hommes : de Gaulle, Malraux, Clouzot, Langlois, tu entretenais le mythe, tu renforçais le côté ténébreux, incessible, tempéramental (comme dirait Scott), laissant s’installer tout autour de toi la servilité. (…)
Au contraire de toi, il y a les petits hommes, de Bazin à Edmond Maire en passant par Sartre, Buñuel, Queneau, Mendès France, Rohmer, Audiberti, qui demandent aux autres de leurs nouvelles, les aident à remplir une feuille de sécurité sociale, répondent aux lettres, ils ont en commun de s’oublier facilement et de s’intéresser davantage à ce qu’ils font qu’à ce qu’ils paraissent. (A Jean-Luc Godard, mai-juin mil neuf cent soixante-treize)
Il s’agit de supprimer les noms de Franz Hessel et Helen Hessel et de les remplacer par les initiales : F.H. et H.H. ; car je viens d’apprendre que Helen Hessel est encore en vie (quatre-vingt-quatorze ans) et que son fils est ambassadeur en Suisse. Les clés de Jules et Jim doivent rester secrètes. (A Robert Fischer, le huit août mil neuf cent quatre-vingt)
A la foire à la brocante, j’ai repéré ce livre, il est pour vous. Je n’ai pas coupé les pages, j’ai pensé que le cheminement du coupe-papier ferait partie du plaisir. (A Bertrand Poirot-Delpech, le vingt-trois février mil neuf cent quatre-vingt-un, le livre dont il s’agit est un éloge de la pauvreté par le père de Valéry Giscard d’Estaing)
En réponse à votre lettre du 23 septembre, je puis vous indiquer que je mange rarement à la Coupole, étant par mon travail et ma façon de vivre un homme de la rive droite. (A une journaliste, le trente septembre mil neuf cent quatre-vingt-trois)
Hémon est mort en 1913, le livre est donc dans le domaine public, sa fille est une vieille dame vivant à Saint-Malo, enfin je l’espère pour elle… (A Serge Rousseau, le mardi douze avril mil neuf cent quatre-vingt-trois)
Demain, j’entre à l’hôpital Américain pour une opération dans la tête (…). J’ai bon moral, mais, si les choses devaient tourner mal, je veux vous dire merci, mon amitié et mon désir que vous soyez toujours mon représentant-traducteur-ami-alter ego-mon frère japonais pour tout dire. (A Koichi Yamada, le neuf septembre mil neuf cent quatre-vingt-trois)