Une correspondance achetée au vide grenier de la Butte-aux-Cailles, lue pendant ces jours pluvieux, et que je suis sûr de n’avoir jamais envie de relire, c’est celle des deux copains de collège Paul Cézanne et Emile Zola, publiée sous le titre Lettres croisées par Gallimard en deux mille seize, une édition établie, présentée et annotée par Henri Mitterand, lequel s’efforce de convaincre le lecteur que la cause de l’éloignement de Cézanne n’est pas due au portrait de peintre raté fait par Zola dans L’Œuvre où il se serait reconnu, mais au temps qui passe, à la dépression chronique de Cézanne et à son retour au catholicisme.
Ce qui est certain, ce sont les moqueries de Zola à l’égard d’un autre peintre de leur connaissance nommé Chaillan, à qui il assure ainsi une petite vie posthume. C’est un excellent garçon ; mais quelle simplicité, bon Dieu ! quelle ignorance du monde ! écrit-il de Paris à Cézanne, le vingt-six avril mil huit cent soixante, ajoutant Il se retirera toujours à temps dans son village… Il en remet une couche (de peinture) fin juillet de la même année Vois Chaillan, il trouve tout ce qu’il fait excellent… (…)
Amphion, sous le pinceau de Chaillan, prend assez la tournure du singe en mauvaise humeur. Tout bien considéré, je désespère plus que jamais de ce garçon comme artiste. (…)
C’est un bon enfant, ce ne sera jamais rien de plus.
Du côté de Cézanne, beaucoup de soucis, sa peinture n’est pas reconnue, contrairement à la littérature de Zola (qui doit l’aider financièrement) :
Mais je te le répète, j’ai un peu de marasme, mais sans cause. Comme tu sais, je ne sais pas à quoi ça tient, ça revient tous les soirs quand le soleil tombe et puis il pleut. Ça me rend noir. (Paul Cézanne à Emile Zola, Aix, le dix-neuf octobre mil huit cent soixante-six)
Une lettre de Guillaumet, datée du deux novembre mil huit cent soixante-six, jointe à celle que Cézanne écrit à Zola le même jour, confirme que la vie du peintre n’est pas rose :
Les Aixois lui agacent toujours les nerfs, ils demandent à aller voir sa peinture pour ensuite la débiner ; aussi a-t-il pris avec eux un bon moyen : « Je vous emmerde » leur dit-il, et les gens sans tempérament fuient épouvantés.
Douze ans plus tard, rien ne s’est arrangé :
Les élèves de Villevieille m’insultent au passage. –Je me ferai couper les cheveux, ils sont peut-être trop longs. (Paul Cézanne à Emile Zola, Aix, quatorze avril mil huit cent soixante-dix-huit)
*
Je sais désormais que le premier avril mil huit cent soixante-sept, Emile Zola et sa femme quittèrent la rive gauche pour la rive droite et s’installèrent au numéro un de la rue de Moncey. Ils n’y resteront pas longtemps. La rue de Moncey deviendra la rue Dautancourt. J’y ai de bons souvenirs et retourne parfois voir le marronnier, ce qui me plonge dans la mélancolie.
Ce qui est certain, ce sont les moqueries de Zola à l’égard d’un autre peintre de leur connaissance nommé Chaillan, à qui il assure ainsi une petite vie posthume. C’est un excellent garçon ; mais quelle simplicité, bon Dieu ! quelle ignorance du monde ! écrit-il de Paris à Cézanne, le vingt-six avril mil huit cent soixante, ajoutant Il se retirera toujours à temps dans son village… Il en remet une couche (de peinture) fin juillet de la même année Vois Chaillan, il trouve tout ce qu’il fait excellent… (…)
Amphion, sous le pinceau de Chaillan, prend assez la tournure du singe en mauvaise humeur. Tout bien considéré, je désespère plus que jamais de ce garçon comme artiste. (…)
C’est un bon enfant, ce ne sera jamais rien de plus.
Du côté de Cézanne, beaucoup de soucis, sa peinture n’est pas reconnue, contrairement à la littérature de Zola (qui doit l’aider financièrement) :
Mais je te le répète, j’ai un peu de marasme, mais sans cause. Comme tu sais, je ne sais pas à quoi ça tient, ça revient tous les soirs quand le soleil tombe et puis il pleut. Ça me rend noir. (Paul Cézanne à Emile Zola, Aix, le dix-neuf octobre mil huit cent soixante-six)
Une lettre de Guillaumet, datée du deux novembre mil huit cent soixante-six, jointe à celle que Cézanne écrit à Zola le même jour, confirme que la vie du peintre n’est pas rose :
Les Aixois lui agacent toujours les nerfs, ils demandent à aller voir sa peinture pour ensuite la débiner ; aussi a-t-il pris avec eux un bon moyen : « Je vous emmerde » leur dit-il, et les gens sans tempérament fuient épouvantés.
Douze ans plus tard, rien ne s’est arrangé :
Les élèves de Villevieille m’insultent au passage. –Je me ferai couper les cheveux, ils sont peut-être trop longs. (Paul Cézanne à Emile Zola, Aix, quatorze avril mil huit cent soixante-dix-huit)
*
Je sais désormais que le premier avril mil huit cent soixante-sept, Emile Zola et sa femme quittèrent la rive gauche pour la rive droite et s’installèrent au numéro un de la rue de Moncey. Ils n’y resteront pas longtemps. La rue de Moncey deviendra la rue Dautancourt. J’y ai de bons souvenirs et retourne parfois voir le marronnier, ce qui me plonge dans la mélancolie.