« Ce livre a été imprimé sur papier recyclé à 100% » est-il écrit en page de garde de Voyage dans les Pyrénées et en Corse de Gustave Flaubert publié aux Editions Albatros (dit la couverture bleue rigide), aux Editions Entente (dit la page de titre), en mil neuf cent quatre-vingt-trois, époque où l’on pouvait déjà être écolo.
Acheté au marché d’Aligre lors d’un de mes mercredis parisiens, cet ouvrage donne à lire le récit du voyage qu’offrirent ses parents au jeune Flaubert (dix-neuf ans) en récompense de l’obtention de son baccalauréat, voyage qu’il fit en jeune homme sage et bien dressé, accompagné, encadré plutôt, de deux représentants typiques de son milieu, un éminent chirurgien et un prêtre cultivé. raconte Michel del Castillo en préface, poursuivant ainsi :
C’est peu dire que Gustave part entravé : il va certes bouger, courir d’une ville à l’autre, découvrir des horizons neufs, mais il le fera dans un cadre si rigide, tellement marqué par la convention que les chances sont minces qu’il s’écarte des chemins balisés. (…)
La première surprise, quand on aborde ce récit, provient de la découverte que de ce carcan, le jeune Flaubert n’est que trop conscient, lui qui, déjà, s’étouffe dans sa vie. Plus étrange : loin de chercher à s’en libérer, il paraît s’y soumettre de bon gré, comme s’il avait la conviction que de maladroits efforts ne feraient que le ligoter davantage. (…)
Feignant de se résigner à l’échec, il accepte en ricanant la convention, bien décidé à la saper de l’intérieur. Son apparence bourgeoise, qui est aussi sa réalité sociale, son masque, tout comme cette culture qu’il abhorre avec la même fureur vengeresse, il sent que par ce biais seul – la dissolvante ironie de la phrase – il réussira à les ruiner, à les anéantir.
Gustave Flaubert à dix-neuf ans avait déjà bien du talent. Pour en juger, ces quatre extraits notés lors de ma lecture
Honnête pays, paysages bourgeois, nature comme on l’entend dans la poésie descriptive ; c’est là la Loire, mince filet d’eau au milieu d’un grand lit plein de sable, avec des bateaux qui se traînent à la remorque la voile haute, étroite et à moitié enflée par le vent sans vigueur.
Il n’y fait, (à Bordeaux) selon moi, ni assez chaud ni assez froid ; il n’y a rien d’incisif et d’accentué : c’est un Rouen méridional, avec une Garonne aux eaux bourbeuses.
Comme il faut essentiellement s’instruire en voyage, je me suis laissé mener à la manufacture de porcelaine de M. Johnston, dans laquelle nous avons été pilotés par un petit homme rempli de suffisance, d’ailleurs extrêmement poli pour nous. Pendant deux heures nous avons marché au milieu des cruches, tasses, pots, plats et assiettes de différentes grandeurs et je m’ennuyais si bien que je n’étais point dans la mienne.
Je suis avant tout homme de loisir et de caprice, il me faut mes heures, j’ai mes calmes plats et mes tempêtes. je serais resté volontiers quinze jours à Fontarabie, et je n’aurais vu ni Pau, ni les eaux thermales, ni la fabrique de marbre à Bagnères-de-Bigorre, qui ne vaut pas l’ongle d’une statue cassée, ni bien d’autres belles choses qui sont dans le guide du voyageur. Est-ce ma faute si ce qu’on appelle l’intéressant m’ennuie et si le très curieux m’embête ?
*
Du côté de Blois, évoquant Rabelais, Flaubert note : il y a fait sieste un certain jour peut-être qu’il était soulas. Rien à voir avec la beuverie, soulas renvoie à l’apaisement et à la détente, ai-je appris de différents dictionnaires.
Ce mot me fait penser à un auteur qui signait de ce nom des dessins satiriques paraissant dans Hara-Kiri, Libération et les revues de bédés des années soixante-dix. Très connu à cette époque, il a disparu de mon radar. Qu’est-il devenu ?
Résultat de ma recherche : né en mil neuf cent trente-deux, Philippe Soulas dessine encore, notamment pour Urtikan.net.
Acheté au marché d’Aligre lors d’un de mes mercredis parisiens, cet ouvrage donne à lire le récit du voyage qu’offrirent ses parents au jeune Flaubert (dix-neuf ans) en récompense de l’obtention de son baccalauréat, voyage qu’il fit en jeune homme sage et bien dressé, accompagné, encadré plutôt, de deux représentants typiques de son milieu, un éminent chirurgien et un prêtre cultivé. raconte Michel del Castillo en préface, poursuivant ainsi :
C’est peu dire que Gustave part entravé : il va certes bouger, courir d’une ville à l’autre, découvrir des horizons neufs, mais il le fera dans un cadre si rigide, tellement marqué par la convention que les chances sont minces qu’il s’écarte des chemins balisés. (…)
La première surprise, quand on aborde ce récit, provient de la découverte que de ce carcan, le jeune Flaubert n’est que trop conscient, lui qui, déjà, s’étouffe dans sa vie. Plus étrange : loin de chercher à s’en libérer, il paraît s’y soumettre de bon gré, comme s’il avait la conviction que de maladroits efforts ne feraient que le ligoter davantage. (…)
Feignant de se résigner à l’échec, il accepte en ricanant la convention, bien décidé à la saper de l’intérieur. Son apparence bourgeoise, qui est aussi sa réalité sociale, son masque, tout comme cette culture qu’il abhorre avec la même fureur vengeresse, il sent que par ce biais seul – la dissolvante ironie de la phrase – il réussira à les ruiner, à les anéantir.
Gustave Flaubert à dix-neuf ans avait déjà bien du talent. Pour en juger, ces quatre extraits notés lors de ma lecture
Honnête pays, paysages bourgeois, nature comme on l’entend dans la poésie descriptive ; c’est là la Loire, mince filet d’eau au milieu d’un grand lit plein de sable, avec des bateaux qui se traînent à la remorque la voile haute, étroite et à moitié enflée par le vent sans vigueur.
Il n’y fait, (à Bordeaux) selon moi, ni assez chaud ni assez froid ; il n’y a rien d’incisif et d’accentué : c’est un Rouen méridional, avec une Garonne aux eaux bourbeuses.
Comme il faut essentiellement s’instruire en voyage, je me suis laissé mener à la manufacture de porcelaine de M. Johnston, dans laquelle nous avons été pilotés par un petit homme rempli de suffisance, d’ailleurs extrêmement poli pour nous. Pendant deux heures nous avons marché au milieu des cruches, tasses, pots, plats et assiettes de différentes grandeurs et je m’ennuyais si bien que je n’étais point dans la mienne.
Je suis avant tout homme de loisir et de caprice, il me faut mes heures, j’ai mes calmes plats et mes tempêtes. je serais resté volontiers quinze jours à Fontarabie, et je n’aurais vu ni Pau, ni les eaux thermales, ni la fabrique de marbre à Bagnères-de-Bigorre, qui ne vaut pas l’ongle d’une statue cassée, ni bien d’autres belles choses qui sont dans le guide du voyageur. Est-ce ma faute si ce qu’on appelle l’intéressant m’ennuie et si le très curieux m’embête ?
*
Du côté de Blois, évoquant Rabelais, Flaubert note : il y a fait sieste un certain jour peut-être qu’il était soulas. Rien à voir avec la beuverie, soulas renvoie à l’apaisement et à la détente, ai-je appris de différents dictionnaires.
Ce mot me fait penser à un auteur qui signait de ce nom des dessins satiriques paraissant dans Hara-Kiri, Libération et les revues de bédés des années soixante-dix. Très connu à cette époque, il a disparu de mon radar. Qu’est-il devenu ?
Résultat de ma recherche : né en mil neuf cent trente-deux, Philippe Soulas dessine encore, notamment pour Urtikan.net.