En lisant Lettres à Sartre (volume deux) de Simone de Beauvoir (deux)

13 mai 2015


Dans la correspondance de guerre entre Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, on croise les jeunes amantes de l’une et de l’autre, ainsi que Jacques-Laurent Bost (dit le petit Bost), l’amant de Simone. On y voit aussi une certaine Emma, personnage fictif qui leur sert à tromper la censure militaire lorsqu’il s’agit pour Simone d’aller rejoindre Sartre clandestinement.
Suite des échantillons :
J’ai mangé une côte de porc (…) et Dhome s’est ramené ; c’était l’ami de Delarue et un amoureux de Gibert, une espèce de demi-intellectuel prétentieux et con ; vous le connaissez, on vous en a parlé je crois, il s’est assis à notre table, l’air pertinent, et a commencé à disserter sur la profondeur de l’humour chez Molière. On s’est levées, on allait partir quand Kéchélévitch s’est amenée, des fleurs dans les cheveux, l’air d’une veuve corse en mal de vendetta…  (mercredi treize mars mil neuf cent quarante)
J’attends Védrine chez moi mais je n’aurai pas le courage de me livrer à de coupables étreintes, je feindrai des malaises intimes. (jeudi quatorze mars mil neuf cent quarante)
J’ai attendu, un grand moment, fort prostrée ; et puis la porte s’est ouverte devant un jeune beau souriant lieutenant blond, beau comme un ange et mondain comme un pou qui m’a dit : «  C’est vous Mlle de Beauvoir ? mais je vous ai connue à Marseille chez Mme Chazotte –et à Caen vous m’avez fait passer le bachot de philosophie, vous m’avez même mis un zéro. (mardi dix-neuf mil neuf cent quarante (Simone, allant rejoindre clandestinement le petit Bost, s’est d’abord trompée de train puis s’est fait chopée par des militaires qui l’ont prise pour une espionne communiste)
Je me suis jetée une fois sur un chien et une fois sur deux bonnes femmes qui en étaient fort indignées, mais dans l’ensemble c’était extrêmement glorieux. (dimanche quatorze juillet mil neuf cent quarante, faisant ses débuts de bicycliste)
On ne sait trop pourquoi, M. Kos. a expédié ses filles à 2 km. de là dans la maison d’un ami, une immense maison pleine d’alcools et de confitures où elles se sont prélassées trois semaines, en somptueuses robes de chambre volées à la maîtresse de maison, mangeant uniquement des confitures et se saoulant à demi du matin au soir avec les liqueurs. (…) Elles avaient avec elles un chien et un ouvrier abyssin chargé de garder la maison. Elles ont peu vu les Allemands qui sont seulement venus faire quelques omelettes chez elles, tandis que séduits par la vue qu’on a de La Mousse, ils logeaient à 70 dans la maison Kos. Madame Kos. se mourrait en battements de cœur pendant tout ce temps nécessairement. (un vendredi de juillet mil neuf cent quarante, pendant l’exode)