En lisant Flagrants délits sur les Champs-Elysées (1777-1791), première partie

29 septembre 2017


Acheté quatre euros un dimanche au Clos Saint-Marc Flagrants délits sur les Champs-Elysées (1777-1791), dans la réédition grand format de deux mille huit, m’a été une lecture du soir réjouissante.
En mil sept cent soixante-dix-sept, quand la promenade des Champs-Elysées devient publique, le comte d’Angiviller, Directeur des Bâtiments du Roi, la dote d’un gardien nanti de quatre subalternes. Il les choisit parmi les troupes suisses ; à leur tête Ferdinand de Federici, originaire des Grisons. A charge pour celui-ci de maintenir l’ordre et de faire un rapport hebdomadaire de son action.
Ainsi que l’explique la quatrième de couverture, Federici a fort à faire entre « les querelles, les duels à l’épée ou au pistolet, les batailles collectives, les jeux de barres interdits, les chapardages, les émeutes d’étudiants, les ventes à la sauvette, les attroupements autour des carrosses, les dragues de prostituées et les «agissements des pédérastes» ».
L’édition des rapports de Federici dans la collection Le Temps retrouvé du Mercure de France est due à Annette Farge. Parmi les faits racontés, j’ai effectué une sélection personnelle, dont voici la première partie :
Hier dimanche à dix heures du soir, arrêté et envoyé au Châtelet la nommée Marianne Pujat, âgée de quinze ans, comme fille débauchée raccrochant aux Champs-Elysées. Par cette opération, j’ai rendu par contrecoup un grand service à tous les parents de cette fille qui, d’accord, avaient présenté déjà respect à M. le lieutenant général de police pour la faire enfermer, et qui n’ont pu y parvenir quoique l’ordre était expédié, faute de 50 livres qu’il leur fallait payer d’avance pour cette prise. (Rapport du 31 mai au 7 juin 1779)
La femme Courville, après avoir été renvoyée vingt fois du cours, a persisté d’y venir, elle fut arrêtée et mise entre les mains de la garde de Paris comme ivrognesse et pauvre, insolente troublant la promenade. (Rapport du 17 juillet 1779)
Mardi vers les neuf heures du soir, arrêté M. Autain, grande arme de la garde, demeurant rue Saint-Médéric, neveu de M. chevalier de Saint-Louis, pour cause de l’avoir surpris fort indécemment couché dans les fossés de l’allée des Veuves avec un garde-française, ce dernier s’étant sauvé aux travers des marais, qui a cassé cent tètes de choux-fleurs. Le premier, quoique convaincu de pédérastie, j’ai cru le tenir quitte seulement avec une bonne morale, croyant ce crime plutôt de nature à être caché qu’à être divulgué, surtout lorsqu’il s’agit de nommer à la police le soldat d’un corps. (Rapport du 4 au 11 octobre 1779)
Nanette Valle, petite effrontée âgée d’environ douze ans, arrêtée enfin mercredi par finesse, laquelle fuyait les soldats et revenait exigeant à la promenade l’aumône avec la dernière importunité et insolence, dont plusieurs personnes s’en sont plaints, et qui levait les jupes jusqu’au col devant les hommes en leur demandant etc. Le commissaire l’a renvoyée, quoique je lui aie spécifié toutes ces particularités. (Rapport du 28 juillet au 4 août 1780)
Des cinq à six personnes de la pédérastie que l’on a arrêtées hier à l’occasion des patrouilles de M. Noël, inspecteur de police, présidées par M. le commissaire Foucault, il s’est trouvé M. le baron de Lunastre, qui a été vu assez souvent ici nuitamment rôder, et dont le costume seul annonce le vice. (Rapport du 16 au 23 avril 1781)
Hier, arrêté Gaudin Laurent, Normand, comme rôdeur, mendiant, insolent et même soupçonné de filouterie, remis à onze heures du soir à la garde de Paris. (Rapport du 14 au 21 mai 1781)
Jeudi, un jeune homme âgé d’environ treize à quatorze ans a tombé d’un arbre en allant chercher des nids d’oiseaux et a peu survécu à sa chute. Fait garder à vue par un soldat de la garde, en attendant celle de Paris, que j’avais fait avertir, s’y fût transportée. (Rapport du 21 au 28 mai 1781)
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Federici a une manière personnelle d’écrire le français. J’aime bien son (il) a peu survécu.