De retour à Paris un mercredi

1er juin 2018


C’est la bonne vieille bétaillère que se présente en gare de Rouen ce mercredi à sept heures vingt-quatre, l’assurance d’avoir place assise pour tout le monde. La mienne est à l’étage, pas loin d’un homme qui, à peine assis, sort son instrument. Il est tout rouge et a pour nom accordéon. Il y branche une paire d’écouteurs et ouvre la Méthode d’accordéon chromatique de Médard Ferrero. A l’arrivée dans la capitale, ce musicien silencieux ouvre une trappe de l’accordéon, enlève l’une des piles qui ne s’usent pas que si l’on s’en sert puis remet l’instrument dans sa boîte.
Le bus Vingt m’emmène à Bastille. Le monument est enfin débarrassé de ses échafaudages et de la toile publicitaire géante qui les cachait. Le voilà refait à neuf mais déjà graffité : « Marée populaire / Ecume amère », lucide constat du nouvel échec de Mélenchon.
Je slalome entre les nombreuses flaques d’eau qui témoignent de l’importance de l’orage de la veille au soir, le deuxième en une semaine, et bois un café au Faubourg. Chez Book-Off, j’ai la chance de trouver à sept euros le Journal d’Helen suivi de Lettres à Henri-Pierre Roché d’Helen Hessel (André Dimanche Editeur) que je cherchais depuis longtemps, ayant eu la bêtise de ne pas l’acheter il y a des années à la bouquinerie rouennaise Maneki Neko aujourd’hui disparue. Au même prix, je prends également La Jeune Moabite (Journal 2013-2016) de Gabriel Matzneff (Gallimard) et dans les livres à un euro L’Esprit des lieux, recueil de lettres et d’articles de Lawrence Durrell (Gallimard) et Dodascalies (Ma chronique du XXe siècle) de Doda Conrad (Actes Sud). Voilà une journée qui commence bien.
A midi, je déjeune au Péhemmu chinois où il y a foule d’employées et de travailleurs manuels mangeant trop rapidement. Tandis que je savoure mon habituel confit de canard pommes sautées salade, les conversations se mêlent : « On est à une époque où tout le monde vole, alors…. » « Moi, il m’a écrit, un soir vers vingt-deux heures : Alors ça va ?, j’ai pas répondu ». Un homme à bedaine tache son vêtement et verse du sel dessus : « Je suis vraiment pas doué moi quand je mange, mon père était comme ça ».
L’après-midi, je ne trouve heureusement que deux livres à un euro au second Book-Off. L’un est Le bréviaire des vaincus de Cioran (Arcades/Gallimard).
A Saint-Lazare, j’ai la surprise de voir les barrières à Morin (Duc de Normandie) en service sous la surveillance de cheminots pédagogues. C’est pour le train de dix-sept heures vingt-quatre. Quatre minutes avant son départ, elles sont neutralisées, ce qui permet aux resquilleurs d’embarquer. Ils voyageront debout.
Le sept heures quarante-huit est en accès libre. C’est un Corail. J’y ai l’une des huit places assises d’un compartiment en forme de diligence. Quatre d’un côté faisant face à quatre de l’autre côté. Sept regards posés sur un écran et le mien posé sur le texte de Cioran :
En principe, nous nous croyons tous pleins de vie et nous nous vantons de nos efforts et de leur moisson. En fait, nous portons une besace vide dans laquelle nous jetons de temps en temps des miettes de réalité.
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Au marché d’Aligre, des distribueurs de calendriers de coupe du monde de foute en forme de ballon. Je ne leur réponds même pas, souhaitant in petto que l’équipe de France soit éliminée le plus tôt possible afin d’échapper le plus vite possible aux gueulements de rue.
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Boulevard Beaumarchais, la plus petite manif que j’aie jamais vue, pas plus de trente participants avec des drapeaux d’un pays africain dont il s’agit sûrement de dénoncer le dictateur. La Police encadre le cortège qui avance tranquillement vers on ne sait où en perturbant sévèrement la circulation.
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Publicité du métro : Escape Game à l’Opéra Garnier sur le thème du Fantôme de l’Opéra. On dira qu’il s’agit de renouveler le public.