Confiné (trois) treize : Saint-Valéry-en-Caux

2 avril 2021


Rien de ce qu’a décidé notre Président mercredi soir n’étant de nature à empêcher mon ultime excursion de beau temps ce jeudi, je me rends pour la quatrième fois à la Gare de Rouen. Cette fois, je ne voyage que vingt minutes dans le train qui va au Havre, un confortable Corail, car je descends à Yvetot.
Sur l’un des nouveaux bancs municipaux, j’attends un quart d’heure que se présente le car qui va à Saint-Valéry-en-Caux. Sa conductrice donne un coup de tampon à mon billet et je vais m’installer à ma place habituelle dans ce genre de véhicule : le premier siège après la double porte centrale.
Je suis le seul passager à l’heure du départ. Ma tranquillité est néanmoins troublée par la radio Air Thé Aile et il y en a pour une heure.
Grémonville et sa belle église de briques rouges, Doudeville, Yves Calvi à une romancière : « L’envie d’écrire vous a-t-elle longtemps habitée ? », de la plaine, des routes de plus en plus étroites, Saint-Vaast-Dieppedalle, la romancière parle d’un cheval, « Etes-vous écuyère vous-même ? » « Cavalière, oui », des éoliennes, un détour par Cany-Barville où monte une femme, des publicités radiophoniques pour la Cégété et Lideule, Octeville et sa grosse église, Crasville-la-Mallet par le bord, Neville où descend la femme, la ligne haute tension de la centrale nucléaire de Paluel et c’est enfin Saint-Valéry-en-Caux où le terminus est au port.
Le soleil est là quand je passe le pont. Je fais une photo de la bien connue Maison Henri le Quatrième et d’une villa un peu décatie, puis grimpe sur la falaise d’aval. De là-haut, j’observe le ballet des tracteurs géants et des pelleteuses de l’entreprise Sisyphe qui, à marée basse, se hâte d’ôter des tonnes de galets du chenal pour aller les déposer sur la plage.
Redescendu, je repasse le pont et longe le chenal jusqu’à la plage. De ce côté, les maisons de la reconstruction me rappellent celles de Louviers, ville natale. Saint-Valéry serait sinistre s’il n’y avait la mer. Je marche jusqu’au laid Casino ne croisant que de rares autochtones. Il y a si peu de monde dehors que je crains d’être repéré par la maréchaussée locale.
Sur la place centrale qui sert de parquigne, la plupart des commerces sont fermés. Le charcutier traiteur où l’on vante le porc normand, le Porlin, a une petite annexe à kebab. Je choisis le royal, avec merguez, et ses frites maison, à six euros trente, que je vais manger sur la promenade de la plage. La difficulté est qu’il reste chaud, d’autant que la température ne monte pas comme les jours précédents.
Après ce repas sommaire, je retourne de l’autre côté. A mi-hauteur du chemin qui mène sur la falaise est un banc qui m’accueille. J’y entreprends la lecture de Journal de guerre d’Hans Carossa (Les Cahiers Rouges / Grasset). Peu à peu, le ciel se voile et la brise s’accroît. J’ai frais mais je tiens bon. La mer en contrebas s’énerve. Je n’aimerais pas être sur le bateau de pêche qui l’affronte à la sortie du chenal.
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Je suis également le seul passager au départ du car de retour, avec la même conductrice, mais avec la radio Tendance Ouest et ses chansons niaises. Un homme monte à l’ancienne Gare. Il ne va pas plus loin que Doudeville.