Le concert du Luo Ning Trio, programmé par le Centre Pompidou en avance du Nouvel An chinois, est pour quinze heures. Cela me donne le temps d’errer à mon gré dans les salles d’Art Moderne puis d’Art Contemporain.
A l’étage Art Moderne, je passe un certain temps dans la salle momentanément consacrée aux œuvres de Victor Brauner, ce qui me rappelle Sarane Alexandrian dont il était l’ami (il y en avait aux murs lorsque j’allais chez lui, rue Jean-Moréas). Je m’arrête aussi, comme toujours, devant la toile de Christian Schad Portrait du comte St-Genois d’Anneaucourt. L’aristocrate déchu y pose avec la compagne de ses virées nocturnes, la baronne Glaser, et un célèbre travesti berlinois. Nous sommes en mil neuf cent vingt-sept. Une suggestion pour le Musée des Beaux-Arts de Rouen : organiser une exposition Christian Schad. Cela nous libèrerait de l’assignation culturelle aux artistes liés à la Normandie.
A l’étage Art Contemporain, j’entre, au risque de m’aveugler, à l’intérieur de la vaste installation de Bruce Nauman Dream Passage with Four Corridors (panneaux, néons, table et chaises en acier), regarde, en compagnie d’une visiteuse asiatique, la vidéo Boxing de Ion Grigorescu (le combat de deux boxeurs nus aux sexes plus ou moins érigés), ne m’attarde pas devant le tableau The Blind Leading the Blind de Peter Buggenhout, me promène dans la vaste installation, occupant une vaste salle, de Mike Kelley et Tony Oursler, une évocation de leur défunt groupe punk rock The Poetics.
Redescendu, je commande un café américain et trouve place en bordure de La Mezzanine d’où je domine la scène installée pour le Luo Ning Trio. Est-on superstitieux en Chine ? Y a-t-il un risque à fêter l’année du cochon de terre avant son début officiel (le cinq février) ? Questions que je me pose tandis qu’en bas Luo Ning, costume gris noir cintré, pochette orangée, longs cheveux grisonnants, se fait photographier. « S’il était très connu, ce serait pas gratuit », commente un moutard. Il ignore que Luo Ning est un des rares pianistes chinois à avoir signé chez Universal et qu’avec Lang Lang et Yundi Li, il forme un trio réputé pour son latin jazz. Je ne le savais pas non plus avant d’avoir eu vent de ce concert compatible avec mes horaires du mercredi.
C’est du jazz d’honnête facture sans aucune référence à la musique chinoise. Un jeune homme filiforme à bonnet orange l’apprécie fort, qui danse lentement. Je ne reste pas jusqu’au bout.
Faut-il être distrait pour oublier son sac à dos, ses gants et son parapluie aux toilettes ? C’est ce qu’a fait celui qui m’a précédé. Je récupère l’ensemble et le confie à la dame des lieux.
Dehors, il neigeouille. Je fonce à Rambuteau. « La Onze puis la Trois », me dit le guichetier et me voici à Saint-Lazare.
Le dix-sept heures vingt-trois pour Rouen va son train. J’y voyage en compagnie de Flaubert vu par Thibaudet : Il était de ceux qui, en amour, avaient besoin d’être protégés et défendus, non de ceux qui veulent protéger et défendre. Il n’a jamais fait attention à une jeune fille.
*
Ce jeudi, le Centre Pompidou publie une photo du concert. On m’y devine, accoudé à l’arrière-plan, à demi effacé par la lumière d’un projecteur. C’est le seul genre de photo de moi que je supporte depuis que je suis devenu vieux.
A l’étage Art Moderne, je passe un certain temps dans la salle momentanément consacrée aux œuvres de Victor Brauner, ce qui me rappelle Sarane Alexandrian dont il était l’ami (il y en avait aux murs lorsque j’allais chez lui, rue Jean-Moréas). Je m’arrête aussi, comme toujours, devant la toile de Christian Schad Portrait du comte St-Genois d’Anneaucourt. L’aristocrate déchu y pose avec la compagne de ses virées nocturnes, la baronne Glaser, et un célèbre travesti berlinois. Nous sommes en mil neuf cent vingt-sept. Une suggestion pour le Musée des Beaux-Arts de Rouen : organiser une exposition Christian Schad. Cela nous libèrerait de l’assignation culturelle aux artistes liés à la Normandie.
A l’étage Art Contemporain, j’entre, au risque de m’aveugler, à l’intérieur de la vaste installation de Bruce Nauman Dream Passage with Four Corridors (panneaux, néons, table et chaises en acier), regarde, en compagnie d’une visiteuse asiatique, la vidéo Boxing de Ion Grigorescu (le combat de deux boxeurs nus aux sexes plus ou moins érigés), ne m’attarde pas devant le tableau The Blind Leading the Blind de Peter Buggenhout, me promène dans la vaste installation, occupant une vaste salle, de Mike Kelley et Tony Oursler, une évocation de leur défunt groupe punk rock The Poetics.
Redescendu, je commande un café américain et trouve place en bordure de La Mezzanine d’où je domine la scène installée pour le Luo Ning Trio. Est-on superstitieux en Chine ? Y a-t-il un risque à fêter l’année du cochon de terre avant son début officiel (le cinq février) ? Questions que je me pose tandis qu’en bas Luo Ning, costume gris noir cintré, pochette orangée, longs cheveux grisonnants, se fait photographier. « S’il était très connu, ce serait pas gratuit », commente un moutard. Il ignore que Luo Ning est un des rares pianistes chinois à avoir signé chez Universal et qu’avec Lang Lang et Yundi Li, il forme un trio réputé pour son latin jazz. Je ne le savais pas non plus avant d’avoir eu vent de ce concert compatible avec mes horaires du mercredi.
C’est du jazz d’honnête facture sans aucune référence à la musique chinoise. Un jeune homme filiforme à bonnet orange l’apprécie fort, qui danse lentement. Je ne reste pas jusqu’au bout.
Faut-il être distrait pour oublier son sac à dos, ses gants et son parapluie aux toilettes ? C’est ce qu’a fait celui qui m’a précédé. Je récupère l’ensemble et le confie à la dame des lieux.
Dehors, il neigeouille. Je fonce à Rambuteau. « La Onze puis la Trois », me dit le guichetier et me voici à Saint-Lazare.
Le dix-sept heures vingt-trois pour Rouen va son train. J’y voyage en compagnie de Flaubert vu par Thibaudet : Il était de ceux qui, en amour, avaient besoin d’être protégés et défendus, non de ceux qui veulent protéger et défendre. Il n’a jamais fait attention à une jeune fille.
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Ce jeudi, le Centre Pompidou publie une photo du concert. On m’y devine, accoudé à l’arrière-plan, à demi effacé par la lumière d’un projecteur. C’est le seul genre de photo de moi que je supporte depuis que je suis devenu vieux.