Pas moins de six fois dans les semaines précédentes, je suis passé à la billetterie pour tenter d’échapper à la place qui m’est promise pour le concert d’Alexandre Tharaud à l’Opéra de Rouen, un strapontin décentré dans la partie supérieure du premier balcon.
Ce jeudi, ultime tentative, j’arrive juste avant dix-neuf heures, stupéfait de voir autant de monde agglutiné devant la grille baissée de la maison. On croirait des banlieusards attendant l’affichage de leur train à Saint-Lazare. La plupart ont pourtant leur billet en poche mais veulent être les premiers au bar afin de se restaurer assis.
« Je pense avoir mieux », me dit le jeune homme qui a un peu de mal avec l’informatique. Ce mieux est un vrai siège, le Bé Six, au premier balcon, dans la partie inférieure mais du mauvais côté pour le piano.
Lorsque je m’y assois, je constate que ce Bé Six me permet de voir quand même le clavier. C’est évidemment complet quand la lumière décroît. Alexandre Tharaud entre en scène, petit jeune homme de quarante-huit ans. « Je mène une vie de sportif de haut niveau qui doit garder sa bonne forme physique. C’est assez éreintant pour un gabarit de moineau tel que le mien ! », explique-t-il dans son entretien du livret programme avec Vinciane Laumonier.
Il se dirige droit sur l’instrument, suivi d’une superbe tourneuse de pages, et interrompt les applaudissements en se lançant à peine assis dans l’Ouverture de Cadmus (d’après Lully) du claveciniste Jean-Henry D’Anglebert. Suivent, du même, la Sarabande (d’après Lully), la Fugue grave (extrait des Pièces d’orgue) et la Chaconne de Phaéton (d’après Lully).
A l’issue, Alexandre Tharaud salue sobrement, sort puis revient pour la Sonate numéro trente de Ludwig van Beethoven qui mêle gravité et légèreté, passages tourmentés et moments apaisés. Elle lui vaut à nouveau moult applaudissements.
Après l’entracte, il revient seul pour trois Gnossiennes, les quatrième, cinquième et première. Cela me rappelle ses concerts d’autrefois consacrés à Erik Satie, auxquels j’ai assisté bien accompagné.
Enfin, avec l’aide technique de son efficace tourneuse de pages, Alexandre Tharaud donne la Sonate numéro trente-deux de Ludwig van Beethoven aux deux mouvements contrastés.
C’est un triomphe. Il revient avec son cahier de partitions et nous offre deux premiers bonus bien différents l’un de l’autre, puis il le referme d’un geste déterminé et se lance dans un ultime morceau.
Chacun reconnaît la musique de Barbara à qui il vient de rendre hommage par disque, en compagnie de chanteuses et chanteurs, pour le vingtième anniversaire de sa mort. Quelques enthousiastes applaudissent dès les premières notes, sommés de se calmer par d’autres.
*
Assis devant moi, au premier rang du premier balcon, deux couples de sexagénaires. L’une des femmes, à peine installée, sort son journal de Sudoku et s’y met, n’écoutant pas ce que lui dit son mari :
-Je suis en train de te parler là.
-Je t’ai entendu.
-Oui je sais que tu n’en as rien à foutre.
-Mais pas du tout !
A l’entracte, cette femme fait connaissance avec celle de l’autre couple. Elles redoutent que le nouveau Directeur, qui est jeune, ne soit trop favorable à la musique contemporaine.
-On n’est pas prête, dit la première.
-On ne sera jamais prête, lui répond la seconde.
*
Les tousseurs et tousseuses, la plaie de ce concert. Le pire étant celui qui tousse sur le silence qui suit Beethoven et est encore du Beethoven.
Qu’on installe une fontaine de sirop antitussif à l’entrée de l’Opéra ou que celui-ci soit distribué par gobelets entiers au bar (une ordonnance collective sera signée par les médecins présents pour donner un semblant de légalité à la chose).
Ce jeudi, ultime tentative, j’arrive juste avant dix-neuf heures, stupéfait de voir autant de monde agglutiné devant la grille baissée de la maison. On croirait des banlieusards attendant l’affichage de leur train à Saint-Lazare. La plupart ont pourtant leur billet en poche mais veulent être les premiers au bar afin de se restaurer assis.
« Je pense avoir mieux », me dit le jeune homme qui a un peu de mal avec l’informatique. Ce mieux est un vrai siège, le Bé Six, au premier balcon, dans la partie inférieure mais du mauvais côté pour le piano.
Lorsque je m’y assois, je constate que ce Bé Six me permet de voir quand même le clavier. C’est évidemment complet quand la lumière décroît. Alexandre Tharaud entre en scène, petit jeune homme de quarante-huit ans. « Je mène une vie de sportif de haut niveau qui doit garder sa bonne forme physique. C’est assez éreintant pour un gabarit de moineau tel que le mien ! », explique-t-il dans son entretien du livret programme avec Vinciane Laumonier.
Il se dirige droit sur l’instrument, suivi d’une superbe tourneuse de pages, et interrompt les applaudissements en se lançant à peine assis dans l’Ouverture de Cadmus (d’après Lully) du claveciniste Jean-Henry D’Anglebert. Suivent, du même, la Sarabande (d’après Lully), la Fugue grave (extrait des Pièces d’orgue) et la Chaconne de Phaéton (d’après Lully).
A l’issue, Alexandre Tharaud salue sobrement, sort puis revient pour la Sonate numéro trente de Ludwig van Beethoven qui mêle gravité et légèreté, passages tourmentés et moments apaisés. Elle lui vaut à nouveau moult applaudissements.
Après l’entracte, il revient seul pour trois Gnossiennes, les quatrième, cinquième et première. Cela me rappelle ses concerts d’autrefois consacrés à Erik Satie, auxquels j’ai assisté bien accompagné.
Enfin, avec l’aide technique de son efficace tourneuse de pages, Alexandre Tharaud donne la Sonate numéro trente-deux de Ludwig van Beethoven aux deux mouvements contrastés.
C’est un triomphe. Il revient avec son cahier de partitions et nous offre deux premiers bonus bien différents l’un de l’autre, puis il le referme d’un geste déterminé et se lance dans un ultime morceau.
Chacun reconnaît la musique de Barbara à qui il vient de rendre hommage par disque, en compagnie de chanteuses et chanteurs, pour le vingtième anniversaire de sa mort. Quelques enthousiastes applaudissent dès les premières notes, sommés de se calmer par d’autres.
*
Assis devant moi, au premier rang du premier balcon, deux couples de sexagénaires. L’une des femmes, à peine installée, sort son journal de Sudoku et s’y met, n’écoutant pas ce que lui dit son mari :
-Je suis en train de te parler là.
-Je t’ai entendu.
-Oui je sais que tu n’en as rien à foutre.
-Mais pas du tout !
A l’entracte, cette femme fait connaissance avec celle de l’autre couple. Elles redoutent que le nouveau Directeur, qui est jeune, ne soit trop favorable à la musique contemporaine.
-On n’est pas prête, dit la première.
-On ne sera jamais prête, lui répond la seconde.
*
Les tousseurs et tousseuses, la plaie de ce concert. Le pire étant celui qui tousse sur le silence qui suit Beethoven et est encore du Beethoven.
Qu’on installe une fontaine de sirop antitussif à l’entrée de l’Opéra ou que celui-ci soit distribué par gobelets entiers au bar (une ordonnance collective sera signée par les médecins présents pour donner un semblant de légalité à la chose).