Au carrefour Richard-Lenoir Chemin-Vert le jour où les salopards ont voulu tuer Charlie Hebdo

8 janvier 2015


Ce mercredi sept janvier a tout pour être une journée banale à Paris quand, sorti du Péhemmu chinois de la rue du Faubourg-Saint-Antoine et voulant visiter deux expositions de photos dans le Marais, je passe place de la Bastille étonné d’y trouver un grand nombre de policiers et des ambulances filant vers le boulevard Richard-Lenoir. Un passant interroge son téléphone et se tourne vers moi :
-Il y a eu un attentat à Charlie Hebdo, juste à côté, il y a neuf morts.
-Les salauds, lui dis-je avant de rejoindre l’attroupement au carrefour Richard-Lenoir Chemin-Vert.
-C’est juste entre chez moi et la coiffeuse, dit l’une à son téléphone. Je suis aux premières loges.
Camions de télé à antenne géante, quantité d’ambulances, police scientifique, déminage, bataillon de Céhéresses arrivant à pied, les coups de sifflet ne cessent jamais, les caméras filment les ambulances, des badauds photographient les caméras, quelques crétin(e)s font des selfies. Soudain, venu dont ne sait où, apparaît un chariot sur lequel est couché un blessé dont le visage est caché. « Hollande est là ? Non, il est déjà reparti. »
Je vois passer Larcher, Président du Sénat, puis Lellouche, Député de Droite.
-Putain, me dit l’homme à ma gauche, ils viennent de dire sur France Inter que parmi les morts, il y aurait Cabu, Charb et Wolinski.
Je suis abasourdi, écoeuré, incapable de faire autre chose que rester planter là. Je pense que l’un des derniers vestiges d’un temps où la liberté et la lucidité étaient de mise vient d’être salement touché. Bientôt on en est à onze morts dont deux policiers. On parle de Tignous et d’Oncle Bernard.
L’homme à ma droite me raconte qu’il est venu de sa banlieue dès qu’il a su, qu’il pensait trouver là beaucoup de monde choqué comme lui. Contrairement à moi qui ai arrêté de lire Charlie Hebdo au début des années quatre-vingt, après la mort de Reiser, le trouvant moins drôle et moins incisif, il est toujours abonné. Il m’explique que les assassins étaient armés de kalachnikovs, ont crié : « On a vengé le prophète » et se sont enfuis en voiture.
-Ils n’ont pas encore sorti les corps, entend-on d’un journaliste au téléphone.
-Je viens de comprendre pourquoi toutes ces ambulances sont restées garées là, me dit mon voisin accablé.
-C’est incroyable qu’une chose pareille se passe en deux mille quinze, s’écrie un autre homme un peu plus loin, il est vrai qu’eux en sont encore à mil quatre cent.
Personne ne relève. Je me demande si un jour ou l’autre je ne serais pas capable de dire la même chose.
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Impossible de dormir en rentrant à Rouen où, comme ailleurs, a eu lieu un rassemblement spontané en fin de journée. Je lis les réactions ici ou là, notamment celles de musulmans. Aucun de ceux-ci pour dire : Oui, on a le droit de se moquer de la religion. Le propos est globalement celui-ci : C’est intolérable, on n’avait pas le droit d’assassiner ces gens pour des dessins mais en même temps on ne caricature pas le prophète. Autrement dit, ils n’ont pas mérité ça, mais ils l’ont bien cherché.