Le soleil brille ce mercredi matin quand je me rapproche du Café de la Plage, rendant bien visibles les cabanes tchanquées de l’île aux Oiseaux. Je m’installe à ma place habituelle avec mon matériel, précédant de peu les habitués qui depuis deux jours ont perdu l’un des leurs. Le trio restant parle du Salon Nautique qui se tiendra ce ouiquennede du côté du port. Un ou deux y ont des intérêts.
La Teste mérite sans conteste une deuxième visite. En vertu de quoi, je monte pour la troisième fois dans le train Arcachon Bordeaux à dix heures trente-trois. Comme il y a deux jours, je réserve une table au Bistrot du Centre, en terrasse cette fois, puis explore un peu plus le « cœur de ville » qui est en travaux (comme il se doit). Il dispose d’une belle église fortifiée et d’un hideux marché couvert. Près de celui-ci est le café Oh’Marché ! dont une partie de la terrasse repose sur une fausse pelouse.
La serveuse, qui ressemble assez à une coiffeuse, débarrasse deux tables sans se soucier de mon existence, puis semble la découvrir :
-Monsieur, on s’occupe de vous ?
-Non, pas du tout.
Près de moi sont deux femmes qui parlent d’une troisième travaillant chez une pharmacienne radine, elle ne met pas de chauffage, elle refuse de changer son logiciel obsolète, etc. Je m’efforce de lire les Chroniques de La Montagne de Vialatte. Je n’en suis qu’à la deux cent cinquante-cinquième sur huit cent quatre-vingt-dix-huit et j’ai de plus en plus de mal.
La serveuse tout à coup se précipite sur ma table :
-Je peux vous débarrasser, monsieur ? Je vous laisse le p’tit verre d’eau.
Sans attendre ma réponse, elle chope la tasse de mon café bu. S’il est une chose que je déteste, c’est bien ça.
-Faites comme vous voulez, lui dis-je d’un air revêche.
Quand arrivent deux autres femmes, dont l’une qui parle d’espace de parole et de choses à régler avec son père, je lève le camp et vais attendre midi dans le petit jardin public près du Bistrot du Centre.
Dans le menu du jour, je choisis la macédoine de légumes au thon et le lomo de porc à la crème d’ail. Derrière moi sont une vieille à déambulateur et sa fille. Au bout d’une demi-heure, l’ancienne se plaint d’avoir froid et voudrait terminer son repas à l’intérieur si c’est possible. Oui c’est possible. La fille, stoïque, s’occupe du déménagement. La plupart des ouvriers présents ont à peine leur plat arrivé qu’ils vident la salière dessus. En dessert, je choisis un croustillant aux pommes et pruneaux qui s’avère excellent. Une fois mon café aux œufs de Pâques bu, je paie mes dix-sept euros cinquante (dont trois verres de vin rouge à un euro) puis me dirige vers le port ostréicole.
Il se prolonge par un agréable chemin de promenade autour d’une lagune sur lequel je m’engage. Derrière moi marche un type en communication avec Houston, un mal vêtu qui se vante d’être consultant. Je m’arrête pour le laisser passer puis m’assois au bout de la digue d’où l’on voit bien les premiers immeubles d’Arcachon. L’un d’eux rappelle par son architecture la laideur des paquebots de croisière. Près de moi volette le premier citron de l’année.
Le chemin est surtout emprunté par des bicyclistes, ce qui me permet de constater que les années passent mais dans les familles adeptes du déplacement doux la hiérarchie reste la même, dans l’ordre : papa, fiston, fifille, maman (même si la troisième est plus âgée que le deuxième). Une exception : grande fifille, papa, maman. Quand il s’agit un couple, c’est toujours lui devant et elle derrière. « Oh ! le corps Morand ! », crie l’une en direction de son compagnon pédaleur. Je ne savais pas Paul enterré dans la lagune. Dans un bruit de basse-cour passe pédestrement un groupe de retraités réjouis, quatorze femmes (dont plusieurs à bâtons) pour trois hommes. Deux d’entre eux se plaignent que ça traîne derrière.
Vers quinze heures, je décide que c’est le moment du goûter. J’entre dans la seule cabane ouverte, celle de Laudrinette, et m’installe à une table donnant, c’est marée basse, sur la vase du port où s’égosillent des canards en mal d’eau.
Une jeune fille vient prendre ma commande.
-Une douzaine de grosses, s’il vous plaît
-On n’en a plus des grosses.
-Bon alors une douzaine de moyennes, s’il y en a.
Il y en a pour dix euros et deux euros cinquante le verre de vin blanc.
Ce lieu de dégustation est hélas fréquenté par des friqué(e)s vulgaires : « Moi j’aimerais bien faire chambres d’hôtes, pour l’accueil et tout, mais alors il faudrait une femme de ménage », claironne l’une.
En attendant mon train de retour, je bois un café à un euro trente (oui c’est possible) à la terrasse du Brémontier, pas loin de la gare. Deux types qui n’en sont pas à leur premier verre de cognac y évoquent l’ambitieux projet d’un troisième :
-Non mais lui, il est prêt à partir en Espagne, il a été à Bordeaux déjà.
Arcachon Bordeaux : soixante-six kilomètres, lis-je un peu plus tard dans la gare.
La Teste mérite sans conteste une deuxième visite. En vertu de quoi, je monte pour la troisième fois dans le train Arcachon Bordeaux à dix heures trente-trois. Comme il y a deux jours, je réserve une table au Bistrot du Centre, en terrasse cette fois, puis explore un peu plus le « cœur de ville » qui est en travaux (comme il se doit). Il dispose d’une belle église fortifiée et d’un hideux marché couvert. Près de celui-ci est le café Oh’Marché ! dont une partie de la terrasse repose sur une fausse pelouse.
La serveuse, qui ressemble assez à une coiffeuse, débarrasse deux tables sans se soucier de mon existence, puis semble la découvrir :
-Monsieur, on s’occupe de vous ?
-Non, pas du tout.
Près de moi sont deux femmes qui parlent d’une troisième travaillant chez une pharmacienne radine, elle ne met pas de chauffage, elle refuse de changer son logiciel obsolète, etc. Je m’efforce de lire les Chroniques de La Montagne de Vialatte. Je n’en suis qu’à la deux cent cinquante-cinquième sur huit cent quatre-vingt-dix-huit et j’ai de plus en plus de mal.
La serveuse tout à coup se précipite sur ma table :
-Je peux vous débarrasser, monsieur ? Je vous laisse le p’tit verre d’eau.
Sans attendre ma réponse, elle chope la tasse de mon café bu. S’il est une chose que je déteste, c’est bien ça.
-Faites comme vous voulez, lui dis-je d’un air revêche.
Quand arrivent deux autres femmes, dont l’une qui parle d’espace de parole et de choses à régler avec son père, je lève le camp et vais attendre midi dans le petit jardin public près du Bistrot du Centre.
Dans le menu du jour, je choisis la macédoine de légumes au thon et le lomo de porc à la crème d’ail. Derrière moi sont une vieille à déambulateur et sa fille. Au bout d’une demi-heure, l’ancienne se plaint d’avoir froid et voudrait terminer son repas à l’intérieur si c’est possible. Oui c’est possible. La fille, stoïque, s’occupe du déménagement. La plupart des ouvriers présents ont à peine leur plat arrivé qu’ils vident la salière dessus. En dessert, je choisis un croustillant aux pommes et pruneaux qui s’avère excellent. Une fois mon café aux œufs de Pâques bu, je paie mes dix-sept euros cinquante (dont trois verres de vin rouge à un euro) puis me dirige vers le port ostréicole.
Il se prolonge par un agréable chemin de promenade autour d’une lagune sur lequel je m’engage. Derrière moi marche un type en communication avec Houston, un mal vêtu qui se vante d’être consultant. Je m’arrête pour le laisser passer puis m’assois au bout de la digue d’où l’on voit bien les premiers immeubles d’Arcachon. L’un d’eux rappelle par son architecture la laideur des paquebots de croisière. Près de moi volette le premier citron de l’année.
Le chemin est surtout emprunté par des bicyclistes, ce qui me permet de constater que les années passent mais dans les familles adeptes du déplacement doux la hiérarchie reste la même, dans l’ordre : papa, fiston, fifille, maman (même si la troisième est plus âgée que le deuxième). Une exception : grande fifille, papa, maman. Quand il s’agit un couple, c’est toujours lui devant et elle derrière. « Oh ! le corps Morand ! », crie l’une en direction de son compagnon pédaleur. Je ne savais pas Paul enterré dans la lagune. Dans un bruit de basse-cour passe pédestrement un groupe de retraités réjouis, quatorze femmes (dont plusieurs à bâtons) pour trois hommes. Deux d’entre eux se plaignent que ça traîne derrière.
Vers quinze heures, je décide que c’est le moment du goûter. J’entre dans la seule cabane ouverte, celle de Laudrinette, et m’installe à une table donnant, c’est marée basse, sur la vase du port où s’égosillent des canards en mal d’eau.
Une jeune fille vient prendre ma commande.
-Une douzaine de grosses, s’il vous plaît
-On n’en a plus des grosses.
-Bon alors une douzaine de moyennes, s’il y en a.
Il y en a pour dix euros et deux euros cinquante le verre de vin blanc.
Ce lieu de dégustation est hélas fréquenté par des friqué(e)s vulgaires : « Moi j’aimerais bien faire chambres d’hôtes, pour l’accueil et tout, mais alors il faudrait une femme de ménage », claironne l’une.
En attendant mon train de retour, je bois un café à un euro trente (oui c’est possible) à la terrasse du Brémontier, pas loin de la gare. Deux types qui n’en sont pas à leur premier verre de cognac y évoquent l’ambitieux projet d’un troisième :
-Non mais lui, il est prêt à partir en Espagne, il a été à Bordeaux déjà.
Arcachon Bordeaux : soixante-six kilomètres, lis-je un peu plus tard dans la gare.