Un bruit de bouteilles qui s’entrechoquent ce samedi soir dans l’entrée et l’escalier de l’immeuble où je réside pour quelques jours encore, puis le voisin du dessus frappe à ma porte pour m’annoncer qu’il va faire une petite fête et que si je suis trop dérangé par le bruit, je peux monter le signaler. Je crains le pire. A tort car je ne suis réveillé que par la sortie des invités.
Le dimanche, le Columbus Café ouvre à huit heures mais je ne me précipite pas car, en ce dernier jour d’avril, je veux aller au Portel, où c’est la braderie, autrement dit le vide greniers, et le premier bus dominical qui y mène ne part de la Station Liane qu’à neuf heures treize.
Le ciel est étonnamment bleu quand je sors. « Croissant ou petit pain ? », me demande comme chaque matin celle qui officie, car à pain au chocolat et à chocolatine, ici on préfère petit pain. Je fais un peu traîner ce petit-déjeuner en lisant La Voix du Nord. Sa page météo explique le soleil matutinal par « une petite dorsale anticyclonique ». Ça ne va pas durer.
En avance quand même à la station Liane, j’y trouve un homme qui lui aussi va au Portel pour sa braderie. Il m’apprend que les bus sont gratuits le dimanche. C’est écrit nulle part. Il vit ici depuis trois ans, venu de La Napoule. Son point de vue sur Boulogne-sur-Mer est le même que le mien : il n’y a que la Ville Haute de bien. Nous continuons à discuter dans le bus C. Il me montre au passage le Chaudron, la salle de l’équipe locale de basquette, un sport sur lequel il vaut mieux ne pas plaisanter ici.
A l’arrivée sur la place de l’église, nous nous saluons et chacun vaque à ses recherches. Aucun des livres que je vois ne m’intéresse, même de loin. Je descends au bord de mer et arrive au Chant de l’Heurt pour son ouverture. Je m’installe à l’une des rares tables de la terrasse au soleil, un mange debout assis d’où je vois bien la mer. Après un café, je lis Stendhal un long moment, tout en regardant qui passe.
Vers onze heures, cet emplacement retenu pour mon déjeuner, je vais marcher en contrebas de la digue, observant les familles à la plage. Celle-ci est vaste mais elles s’accumulent au plus près de leur lieu d’arrivée commun, avec enfants et chiens (ces derniers interdits sur le sable à partir de demain). Elles sont loin de la mer dont il semble qu’elles n’aient rien à faire. Ce qui compte, c’est le sable, dans lequel certains, un homme et son fils, s’enterrent. Cela me fait songer à ces quatre jeunes filles de dix-sept à vingt ans qui, allant au Carnaval du Portel, furent enterrées sur l’une des plages entre ici et Equihen-sur-Mer après avoir été violées et tuées par deux frères ferrailleurs. C’était il y a vingt-six ans.
A midi, de nouveau perché en terrasse, bien que le soleil soit de plus en plus souvent caché, je déjeune d’une carbonade flamande frites salade accompagnée d’un quart de vin rouge, le tout pour dix-neuf euros quatre-vingts. C’est mon premier repas en bord de mer depuis que je suis sur la Côte d’Opale. Il n’y en aura pas d’autres.
Pour le café, je m’installe à une table d’extérieur près de la plage, au bar Le Rivage, où il coûte un euro soixante. Je lis un peu puis rentre avec le bus C de treize heures cinquante-sept.
Le dimanche après-midi, le centre de Boulogne est aussi vide que celui de Rouen. Quand j’arrive dans mon quartier, dont nombre de boutiques sont définitivement fermées mais où se concurrencent trois supérettes, Auchan, Spar et Carrefour Express, marchent derrière moi un homme et une femme. Si je ne les vois pas, je les entends.
-T’as vu, Carrefour c’est ouvert, lui dit-elle.
-Oui je sais, Sandrine est venue y voler deux fois ce matin.
*
Ce sont mes adieux au Portel, la plage des pauvres, l’anti Wimereux. Les pauvres m’énervent. Les riches m’ennuient. Je préfère être énervé.
Le dimanche, le Columbus Café ouvre à huit heures mais je ne me précipite pas car, en ce dernier jour d’avril, je veux aller au Portel, où c’est la braderie, autrement dit le vide greniers, et le premier bus dominical qui y mène ne part de la Station Liane qu’à neuf heures treize.
Le ciel est étonnamment bleu quand je sors. « Croissant ou petit pain ? », me demande comme chaque matin celle qui officie, car à pain au chocolat et à chocolatine, ici on préfère petit pain. Je fais un peu traîner ce petit-déjeuner en lisant La Voix du Nord. Sa page météo explique le soleil matutinal par « une petite dorsale anticyclonique ». Ça ne va pas durer.
En avance quand même à la station Liane, j’y trouve un homme qui lui aussi va au Portel pour sa braderie. Il m’apprend que les bus sont gratuits le dimanche. C’est écrit nulle part. Il vit ici depuis trois ans, venu de La Napoule. Son point de vue sur Boulogne-sur-Mer est le même que le mien : il n’y a que la Ville Haute de bien. Nous continuons à discuter dans le bus C. Il me montre au passage le Chaudron, la salle de l’équipe locale de basquette, un sport sur lequel il vaut mieux ne pas plaisanter ici.
A l’arrivée sur la place de l’église, nous nous saluons et chacun vaque à ses recherches. Aucun des livres que je vois ne m’intéresse, même de loin. Je descends au bord de mer et arrive au Chant de l’Heurt pour son ouverture. Je m’installe à l’une des rares tables de la terrasse au soleil, un mange debout assis d’où je vois bien la mer. Après un café, je lis Stendhal un long moment, tout en regardant qui passe.
Vers onze heures, cet emplacement retenu pour mon déjeuner, je vais marcher en contrebas de la digue, observant les familles à la plage. Celle-ci est vaste mais elles s’accumulent au plus près de leur lieu d’arrivée commun, avec enfants et chiens (ces derniers interdits sur le sable à partir de demain). Elles sont loin de la mer dont il semble qu’elles n’aient rien à faire. Ce qui compte, c’est le sable, dans lequel certains, un homme et son fils, s’enterrent. Cela me fait songer à ces quatre jeunes filles de dix-sept à vingt ans qui, allant au Carnaval du Portel, furent enterrées sur l’une des plages entre ici et Equihen-sur-Mer après avoir été violées et tuées par deux frères ferrailleurs. C’était il y a vingt-six ans.
A midi, de nouveau perché en terrasse, bien que le soleil soit de plus en plus souvent caché, je déjeune d’une carbonade flamande frites salade accompagnée d’un quart de vin rouge, le tout pour dix-neuf euros quatre-vingts. C’est mon premier repas en bord de mer depuis que je suis sur la Côte d’Opale. Il n’y en aura pas d’autres.
Pour le café, je m’installe à une table d’extérieur près de la plage, au bar Le Rivage, où il coûte un euro soixante. Je lis un peu puis rentre avec le bus C de treize heures cinquante-sept.
Le dimanche après-midi, le centre de Boulogne est aussi vide que celui de Rouen. Quand j’arrive dans mon quartier, dont nombre de boutiques sont définitivement fermées mais où se concurrencent trois supérettes, Auchan, Spar et Carrefour Express, marchent derrière moi un homme et une femme. Si je ne les vois pas, je les entends.
-T’as vu, Carrefour c’est ouvert, lui dit-elle.
-Oui je sais, Sandrine est venue y voler deux fois ce matin.
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Ce sont mes adieux au Portel, la plage des pauvres, l’anti Wimereux. Les pauvres m’énervent. Les riches m’ennuient. Je préfère être énervé.