Au Centre : Saint-Junien

13 août 2020


Ce mercredi, j’emprunte jusqu’à son terminus un train qui part à sept heures pile : le Limoges Saint-Junien qui relie, distantes de quarante-deux kilomètres, les deux plus grandes villes de la Haute-Vienne (avec un certain déséquilibre au profit de la première).
C’est une rame unique dans laquelle outre moi-même n’est montée qu’une habituée à l’ultime minute. A peine sommes-nous partis que le contrôleur contrôle et me dit avec un air satisfait « Vous n’avez pas composté votre billet ». Touche-t-il un pourcentage de l’amende ?
-Regardez ici, lui dis-je, c’est écrit « Composté à 6h23 ».
-Ah c’est la machine qui l’a fait, s’exclame-t-il.
-Oui, comme chaque fois que l’on prend un billet pour le prochain départ, lui expliqué-je.
Je me demande ce qu’on apprend à l’école des contrôleurs.
Nous circulons d’abord en plein milieu des maisons de Limoges, un premier arrêt en banlieue, et ensuite le machiniste met la gomme. A partir d’Aixe-sur-Vienne, nous suivons cette rivière au cours parfois tumultueux bordée d’usines désaffectées à belles cheminées de brique.
Point de boulangerie en face de la Gare de Saint-Junien, rien n’y vit. Il faut monter une rude pente pour arriver au centre-ville. Je veux photographier la statue Le chêne et le roseau du Limougeaud Henri Couteillas avec la collégiale à l’arrière-plan quand je découvre que la batterie de mon appareil est à plat.
Il n’y aura donc pas de photos de Saint-Junien mais je la visite, sous un ciel menaçant, comme si je la photographiais.
A midi, je déjeune à Lo Bistrot Lemosin où j’ai réservé en arrivant, un endroit qui propose de la cuisine limousine et défend l’usage du parler limousin. Pas de terrasse, il faut prendre le risque de manger à l’intérieur parmi les ventilateurs (ce qu’a déconseillé le Ministre de la Santé). Sur les murs « lemosin ! fau pas laisser tombar ta lenga ». La patronne joue un peu trop à la patronne de restaurant. Son mari est à la cuisine. Comme je suis le seul client entre midi et midi et quart, il n’est pas bousculé et me regarde manger son menut l’ordinari depuis le comptoir avec son béret de gars qui a des racines. Le masque chirurgical nuit un peu à la fière allure. Après une bourriquette, j’ai choisi la saucisse de cul noir ratatouille et frites maison et termine par une mousse au chocolat car je n’ai plus faim, tant pis pour les œufs de la mémé. Avec le quart de vin rouge et le café, cela fait vingt-cinq euros quarante-cinq payés à une patronne persuadée qu’on a passé un très bon moment chez elle.
Dans le faubourg qui mène à la Gare, je découvre une jeune fille buvant son thé assise à même le sol de son balcon les jambes nues relevées dont je ferais bien une photo, oui mais. Je passe mon chemin, arrive à la gare où compostar et attendar pour rentrar.
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Le matin, un premier café à un euro vingt au Corot, un bar tabac qui faisait hôtel. Aux étages, il montre sa déconfiture. Au rez-de-chaussée, une décoration plus ou moins artistique évoque la peinture de Corot qui séjourna dans cette ville. Un endroit baptisé le site Corot ne vaut pas le détour selon Le Guide du Routard.
Un second café à un euro à La Paillotte «  brasserie de l’écrit » qui défend une certaine idée de la poésie dont on peut lire sur ses murs des échantillons « Le Bistrot » « Les Rues ».
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A Lo Bistrot Lemosin, une bande son de chansons en patois, de musique martiale et de vieilleries en français, tout à coup Bourvil. Péquenauds de tous les pays, unissez-vous. Et aussi Notre vie c’est le ruby / Notre pays c’est l’Ovalie.
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Près de Lo Bistrot Lemosin, Apeiron, édition d’art poétique : « On n’est rien que des patates avec du jus dedans ».