Deux livres lus en une journée chacun à la terrasse des cafés. Je n’en attendais pas forcément grand-chose. Ils m’ont bien intéressé.
Le premier est La patience des buffles sous la pluie de David Thomas, recueil de courts monologues intérieurs. Il en est certains que j’avais envie de corriger pour les rendre plus percutants. Ci-après le début d’un :
Lui, c’est mon vingtième. Je suis assez contente, je voulais pas rater un chiffre comme ça. Vingt, ça se fête. Vingt. J’en ai vingt au compteur. A vingt ans, j’ai couché avec vingt bonhommes. Vingt, vingt ! C’est marrant, non ? Donc trente, trente, quarante, quarante… Sauf que j’ai commencé à quinze ans, donc ça fait vingt en cinq ans, alors à quarante, ça fera pas quarante, ça fera cent. Cent, putain, c’est un chiffre, quand même. Y en aura plein dont je me souviendrai pas, c’est obligé. Déjà vingt, c’est limite pour tous me les rappeler, alors cent, je vois pas comment je ferai. Cent, ça en fait, des bites.
Le second est Lucette Destouches, épouse Céline de Véronique Robert-Chovin, le journal des journées de la centenaire veuve de l’écrivain, tenu à la demande de celle-ci par une ancienne élève de son cours de danse devenue son amie. On y suit le chemin vers la fin de cette femme hors du commun entourée d’un personnel pittoresque veillant sur elle. C’est l’une de ces personnes qui d’une des fenêtres de la maison de la route des Gardes à Meudon le jour où je suis passé par là me fit comprendre que je n’avais pas intérêt à entrer dans le jardin. Je viens de voir une photo récente de l’endroit, le jardin est en train d’être rectifié par les bulldozers (la propriété avait été vendue à un voisin pour financer tout ce personnel entourant la centenaire qui passait l’essentiel de ses journées au lit). Ci-après la transcription des propos de Lucette (cent un ans, un mois et vingt et un jours) le mardi dix septembre deux mille treize :
Céline aimait les tendrons de 14 ans, mais les regarder seulement. Il n’aimait pas la décadence. Dès qu’il sentait la flétrissure du temps, il ne le supportait pas. C’était essentiellement un voyeur, très peu consommateur. Il aimait bien aussi regarder les partouzes et il aurait bien voulu l’y entraîner, ce qu’elle n’avait jamais voulu. Pour elle, ç’aurait été devenir un objet. Après la prison, le sexe ça a été terminé pour lui. Tout juste à la sortie un petit regain d’intérêt. Il devait se rattraper. Il l’avait entraînée dans une boutique de lingerie à Copenhague, pour lui essayer des porte-jarretelles, des bas et des corsets. Il était très excité et c’était gênant car la vendeuse s’en rendait compte. Il disait sans cesse c’est sexy. Et puis après il n’avait plus jamais été question de sexe. Il avait perdu sa jeunesse en prison et son attrait aussi en quelque sorte. Sa force, son côté sauvage, son magnétisme, son sexe avaient disparu. De toute façon, Céline n’avait jamais été un très bon amant. Il était trop égoïste, il prenait son plaisir et puis il changeait de partenaire.
Le premier est La patience des buffles sous la pluie de David Thomas, recueil de courts monologues intérieurs. Il en est certains que j’avais envie de corriger pour les rendre plus percutants. Ci-après le début d’un :
Lui, c’est mon vingtième. Je suis assez contente, je voulais pas rater un chiffre comme ça. Vingt, ça se fête. Vingt. J’en ai vingt au compteur. A vingt ans, j’ai couché avec vingt bonhommes. Vingt, vingt ! C’est marrant, non ? Donc trente, trente, quarante, quarante… Sauf que j’ai commencé à quinze ans, donc ça fait vingt en cinq ans, alors à quarante, ça fera pas quarante, ça fera cent. Cent, putain, c’est un chiffre, quand même. Y en aura plein dont je me souviendrai pas, c’est obligé. Déjà vingt, c’est limite pour tous me les rappeler, alors cent, je vois pas comment je ferai. Cent, ça en fait, des bites.
Le second est Lucette Destouches, épouse Céline de Véronique Robert-Chovin, le journal des journées de la centenaire veuve de l’écrivain, tenu à la demande de celle-ci par une ancienne élève de son cours de danse devenue son amie. On y suit le chemin vers la fin de cette femme hors du commun entourée d’un personnel pittoresque veillant sur elle. C’est l’une de ces personnes qui d’une des fenêtres de la maison de la route des Gardes à Meudon le jour où je suis passé par là me fit comprendre que je n’avais pas intérêt à entrer dans le jardin. Je viens de voir une photo récente de l’endroit, le jardin est en train d’être rectifié par les bulldozers (la propriété avait été vendue à un voisin pour financer tout ce personnel entourant la centenaire qui passait l’essentiel de ses journées au lit). Ci-après la transcription des propos de Lucette (cent un ans, un mois et vingt et un jours) le mardi dix septembre deux mille treize :
Céline aimait les tendrons de 14 ans, mais les regarder seulement. Il n’aimait pas la décadence. Dès qu’il sentait la flétrissure du temps, il ne le supportait pas. C’était essentiellement un voyeur, très peu consommateur. Il aimait bien aussi regarder les partouzes et il aurait bien voulu l’y entraîner, ce qu’elle n’avait jamais voulu. Pour elle, ç’aurait été devenir un objet. Après la prison, le sexe ça a été terminé pour lui. Tout juste à la sortie un petit regain d’intérêt. Il devait se rattraper. Il l’avait entraînée dans une boutique de lingerie à Copenhague, pour lui essayer des porte-jarretelles, des bas et des corsets. Il était très excité et c’était gênant car la vendeuse s’en rendait compte. Il disait sans cesse c’est sexy. Et puis après il n’avait plus jamais été question de sexe. Il avait perdu sa jeunesse en prison et son attrait aussi en quelque sorte. Sa force, son côté sauvage, son magnétisme, son sexe avaient disparu. De toute façon, Céline n’avait jamais été un très bon amant. Il était trop égoïste, il prenait son plaisir et puis il changeait de partenaire.