A la vingt-cinquième Foire aux Livres de Dieppe

27 janvier 2020


Ce samedi matin me voici dans le train pour Dieppe où se déroule, salle Paul Eluard, la vingt-cinquième Foire aux Livres. Ayant parcouru les allées de cette vente de livres d’occasion lors d’une précédente édition, je n’en attends pas grand-chose. Il s’agit surtout de respirer un peu d’air maritime. Près de moi sont deux étudiantes. L’une écrit sur son ordinateur. L’autre lit le fil d’actualité de son mobile. « La France est le premier pays européen à être touché par le coronavirus ». A l’extérieur la campagne gît dans le brouillard.
Je ne me souvenais pas que la salle Paul Eluard était si petite et si laide. Je sens dès l’entrée que je n’y trouverai rien ou si peu. Le plus jeune vendeur doit avoir cinquante ans, c’est celui de bandes dessinées. Tous les autres, hommes et femmes, ont les cheveux blancs et ce qu’ils proposent est consternant, des vieux livres sur la guerre, un tas de France Loisirs, du Mussi Busso, des poches douteux. Dans le vrac du dernier vendeur j’aperçois le seul ouvrage possible. Pour un euro, je me paie et les lèvres et la bouche de Marie-Laure Dagoit (Editions Agnès Pareyre). Il fait soleil à la sortie.
Au Tout Va Bien, je lis Histoire réversible de Lydia Davis, dont The Gardian a fait un éloge que je trouve immérité, en côtoyant la population des jours de marché. Trois femmes sexagénaires profitent de l’absence des maris « Y a la Foire aux Livres à la Paul Eluard, y sont là-bas ». Elles sont toutes gaies mais, remarque l’une, « Vous allez voir, on va moins rigoler avec le virus qui s’amène ».
Il fait toujours beau et froid quand faute d’Espérance (fermé pour vacances) je m’installe à une table de La Bocca (vue sur le port) où se trouve déjà l’unique habitué. Il donne son point de vue sur le monde à la serveuse « Tout est chamboulé, y a pas que le temps, les gens aussi, heureusement pas tout le monde ». Elle est bientôt trop occupée pour lui répondre car arrivent des couples d’âge à aller au restaurant le samedi midi. Ils sont suivis d’un plus jeune, composé d’une grosse blonde et d’un petit teigneux à cheveux ras qui ne se parlent pas. « C’est vous le coffret cadeau ? », leur demande la patronne. Pour treize euros quatre-vingt-dix, je mange une décevante cassolette de la mer, une quelconque ficelle picarde et une banale dame blanche. Le quart de merlot est à quatre euros cinquante et le pain décongelé.
Le soleil commence à se voiler quand je longe la mer pour rejoindre Le Brazza où je bois le café puis poursuis ma lecture d’Histoire réversible en sautant les textes inspirés à l’auteure par ses rêves et par Flaubert.
Au retour, la campagne gît toujours dans le brouillard.
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Un homme à une femme : « La dernière fois qu’on est venu ici, y avait la course du Figaro. J’ai acheté le numéro spécial sur la vie de Marcel Pagnol. »
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Une femme à un homme qui rêve d’avoir un verger : « Ça se voit que t’as pas ramassé des pommes quand t’étais petit. J’admire papa qui faisait ça tout le temps mais je comprends maman qui voulait pas y aller. »
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Près du pont Jehan-Ango, se faisant face, Lutte Ouvrière et Témoins de Jéhovah, vieux lutteurs et jeunes témoins.