L’ayant manqué l’an dernier par ignorance de la date, pas question que je sois absent cette année de la vente de livres d’occasion d’Amnesty International au Lycée Marc Bloch à Val-de-Reuil. Elle commence à quatorze heures ce samedi, Aussi suis-je à la gare de Rouen dès onze heures trente et y prends un billet à trois euros dix pour un train de douze heures neuf qui n’ira pas plus loin que Mantes-la-Jolie. Ce ouiquennede, pour cause de travaux, aucun train ne va jusqu’à Paris. Il faut terminer le trajet en Transilien comme un vulgaire banlieusard, ce qui désoriente certains. Davantage l’est un homme qui ne sait pas lire et veut aller à Dieppe. A sa demande, je m’en fais le secouriste.
A l’arrivée, je sors par l’escalier extérieur et traverse la ville en ne croisant pas plus de cinq personnes. « L’architecture est un jeu savant, correct et magnifique de volumes assemblés sous la lumière », déclare Le Corbusier sur la vitre de la Médiathèque qui porte son nom. Un peu plus loin est le pignon d’immeuble occupé par Cinétisme de Luis Tomasello, une œuvre qui peut faire penser à un mur d’escalade. Elle était déjà sale au vingtième siècle quand j’habitais rue du Pas des Heures. « J’ai vite compris que l’art était symétrique », déclarait Tomasello. Je lui laisse la responsabilité de cette assertion.
J’entre au café kebabier Le Centre dont la clientèle est masculine. Le patron me serre la main quand il m’apporte le café verre d’eau commandé. Un couple de sexagénaires gaulois à l’air perdu vient y déjeuner. L’homme demande du vin mais on ne sert pas d’alcool ici lui apprend-on. Il y en eut autrefois comme le montrent les pompes à bière et les carafons. Bien des choses ont changé dans la cité contemporaine depuis mon départ et pas en mieux.
Le Lycée Marc Bloch me fait songer à l’une que j’espère bientôt retrouver en terrasse à Rouen. Devant sa porte un homme de mon âge m’a précédé, ancien directeur de l’école d’un bourg voisin, que je connais sans connaître.
-On va encore nous demander d’inscrire notre nom sur un cahier, me dit-il, alors que ça ne sert à rien.
-D’autant plus qu’on peut inscrire n’importe quel nom, lui dis-je.
-Oui, Bernard Cazeneuve par exemple, me répond-il.
Je m’aperçois ainsi qu’il en sait plus sur moi que je ne croyais.
-Je ne peux tout de même pas mettre Gérard Collomb cette fois-ci, lui dis-je, il faut varier un peu.
Nous réfléchissons. Un deuxième homme que je sais être le frère du premier propose Paul Bismuth et j’ai une illumination : Julien Coupat. Derrière nous une file s’est constituée, Les élus locaux invités par Amnesty sortent les uns après les autres, moins nombreux qu’autrefois pour cause de déconfiture socialiste, des femmes inconnues qui ont pris des livres de chez France Loisirs et Marc-Antoine Jamet, Maire de luxe de Val-de-Reuil, toujours Socialiste, les mains vides et le bonjour professionnel.
A deux heures moins une, nous poussons la barrière et allons jusqu’à la porte coulissante. J’inscris mon nom d’emprunt sur l’un des cahiers et file dans la salle du fond. Le prix des livres est indiqué par des gommettes de couleur. Il est modeste, un, deux ou trois euros, rarement quatre. J’emplis mon sac et ne m’attarde pas, pour deux raisons : beaucoup trop de monde et surtout un seul train pour rentrer avant la fin de l’après-midi.
Je retourne à la gare à pied, lourdement chargé, et la découvre fermée pour la journée. Impossible de prendre un billet de retour car l’écran du seul automate placé à l’extérieur est illisible pour cause de soleil ardent. Monté dans le train de quinze heures trente, je me fais connaître du contrôleur, lequel ne m’applique pas de surtaxe mais ne peut me faire une remise supérieure à vingt-cinq pour cent. Cela fait cinq euros.
*
Parmi mes trouvailles : La France frénétique de 1830 choix de textes de Jean-Luc Steinmetz (Phébus), Correspondance de Jack Kerouac et Allen Ginsberg (Gallimard) et l’énorme numéro de la Revue d’esthétique consacrée à Roland Dubillard ( Jean-Michel Place).
A l’arrivée, je sors par l’escalier extérieur et traverse la ville en ne croisant pas plus de cinq personnes. « L’architecture est un jeu savant, correct et magnifique de volumes assemblés sous la lumière », déclare Le Corbusier sur la vitre de la Médiathèque qui porte son nom. Un peu plus loin est le pignon d’immeuble occupé par Cinétisme de Luis Tomasello, une œuvre qui peut faire penser à un mur d’escalade. Elle était déjà sale au vingtième siècle quand j’habitais rue du Pas des Heures. « J’ai vite compris que l’art était symétrique », déclarait Tomasello. Je lui laisse la responsabilité de cette assertion.
J’entre au café kebabier Le Centre dont la clientèle est masculine. Le patron me serre la main quand il m’apporte le café verre d’eau commandé. Un couple de sexagénaires gaulois à l’air perdu vient y déjeuner. L’homme demande du vin mais on ne sert pas d’alcool ici lui apprend-on. Il y en eut autrefois comme le montrent les pompes à bière et les carafons. Bien des choses ont changé dans la cité contemporaine depuis mon départ et pas en mieux.
Le Lycée Marc Bloch me fait songer à l’une que j’espère bientôt retrouver en terrasse à Rouen. Devant sa porte un homme de mon âge m’a précédé, ancien directeur de l’école d’un bourg voisin, que je connais sans connaître.
-On va encore nous demander d’inscrire notre nom sur un cahier, me dit-il, alors que ça ne sert à rien.
-D’autant plus qu’on peut inscrire n’importe quel nom, lui dis-je.
-Oui, Bernard Cazeneuve par exemple, me répond-il.
Je m’aperçois ainsi qu’il en sait plus sur moi que je ne croyais.
-Je ne peux tout de même pas mettre Gérard Collomb cette fois-ci, lui dis-je, il faut varier un peu.
Nous réfléchissons. Un deuxième homme que je sais être le frère du premier propose Paul Bismuth et j’ai une illumination : Julien Coupat. Derrière nous une file s’est constituée, Les élus locaux invités par Amnesty sortent les uns après les autres, moins nombreux qu’autrefois pour cause de déconfiture socialiste, des femmes inconnues qui ont pris des livres de chez France Loisirs et Marc-Antoine Jamet, Maire de luxe de Val-de-Reuil, toujours Socialiste, les mains vides et le bonjour professionnel.
A deux heures moins une, nous poussons la barrière et allons jusqu’à la porte coulissante. J’inscris mon nom d’emprunt sur l’un des cahiers et file dans la salle du fond. Le prix des livres est indiqué par des gommettes de couleur. Il est modeste, un, deux ou trois euros, rarement quatre. J’emplis mon sac et ne m’attarde pas, pour deux raisons : beaucoup trop de monde et surtout un seul train pour rentrer avant la fin de l’après-midi.
Je retourne à la gare à pied, lourdement chargé, et la découvre fermée pour la journée. Impossible de prendre un billet de retour car l’écran du seul automate placé à l’extérieur est illisible pour cause de soleil ardent. Monté dans le train de quinze heures trente, je me fais connaître du contrôleur, lequel ne m’applique pas de surtaxe mais ne peut me faire une remise supérieure à vingt-cinq pour cent. Cela fait cinq euros.
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Parmi mes trouvailles : La France frénétique de 1830 choix de textes de Jean-Luc Steinmetz (Phébus), Correspondance de Jack Kerouac et Allen Ginsberg (Gallimard) et l’énorme numéro de la Revue d’esthétique consacrée à Roland Dubillard ( Jean-Michel Place).