A la vente de livres d’occasion des Amys du Vieux Dieppe

26 janvier 2015


Pour la vingtième fois les Amys du Vieux Dieppe organisent une vente de livres d’occasion et pour la première fois j’en entends parler, aussi suis-je occupé ce dimanche matin à gratter mon pare-brise avec une vieille carte téléphonique.
La salle Paul Eluard se trouve près de l’Hôtel de Ville. Elle s’ouvre à neuf heures. Une trentaine de vendeurs y sont installés, des particuliers, des associations et des professionnels. Parmi les visiteurs, je découvre deux bouquinistes de Rouen, l’un du Clos Saint-Marc et l’une ayant pignon sur rue. Je déchante vite, sur les tables beaucoup d’ouvrages régionalistes et de littérature de bas de gamme. J’ai beau faire trois fois le tour, je ne trouve pas le moindre ouvrage à mon goût.
A dix heures, je suis dehors et rejoins le port en passant près de l’église entourée de barrières. Elle menace ruine, ce qui doit inquiéter les Amys du Vieux Dieppe et le curé Geoffroy de la Tousche. Celui-ci est heureusement l’ami du maire communiste Sébastien Jumel avec qui il va en ouiquennede au Vatican. Une grue géante télescopique jaune est déjà sur place.
J’entre au Tout Va Bien et m’y réchauffe d’un café. A la table voisine s’installe un couple de trentenaires muni d’un bébé heureusement endormi. J’apprends vite qu’il s’agit de professeurs des écoles car en ce jour de repos au bord de la mer ils parlent du boulot, de la liaison entre les cycles.
-Abidjan, c’est bien en Egypte ? lui demande-t-elle un peu plus tard.
-C’est pas en Malgache ? lui répond-il.
-A Madagascar, tu veux dire ?
-Oui, c’est ça, je crois que c’est à Madagascar.
Le téléphone leur donne la bonne réponse. Je me demande dans quelles classes de quelle commune ils sévissent.
A midi, je déjeune sous la véranda ensoleillée du Nautic, avec vue sur le port à marée basse. Ce restaurant est tenu par un jeune couple dont c’est la première année d’exercice, lui en cuisine, elle au service, leur slogan : « simplement bon ». Ils promettent produits frais et plats faits maison mais diffusent une radio néfaste heureusement peu audible.
Je suis le seul à y manger en solitaire. Le reste de la clientèle est constitué de couples d’un certain âge, dont une madame Dubout et son petit mari. Chaque duo joue une variante de cette tragédie intime dont la caractéristique est l’absence de texte. Tout est dans les regards qui s’évitent et ne savent où se poser.
Je choisis les fruits de mer farcis, la marmite du pêcheur et le pain perdu au caramel salé. Avec un quart de chardonnay, cela fait vingt-quatre euros et c’est simplement bon.
                                                                 *
Je n’ai guère écouté Le Pop Club de José Artur, mort ce samedi à l’âge de quatre-vingt-sept ans, émission dont il avait toujours l’air d’être l’invité principal, mais comment ne pas penser lors de l’annonce de cette nouvelle au coup de téléphone qu’il donna une nuit chez mes parents pour leur annoncer que mon frère Jacques, fugueur récidiviste au temps de son adolescence, était avec lui et qu’il se chargeait de le convaincre de rentrer.
                                                                *
Ce lundi matin, en vitrine du Rêve de l’Escalier, l’Anthologie de la photo de nu d’Olivier Louis. La couverture montre une jeune femme aux seins nus. Ces derniers ont été masqués par le bouquiniste à l’aide d’un rectangle rouge grossièrement fixé avec un adhésif. Chaque jour, la pudibonderie gagne du terrain.