A la terrasse de la Brasserie Paul

16 août 2021


Le Quinze Août fut longtemps pour moi synonyme de vide grenier au Vaudreuil et puis la guerre est arrivée et se poursuit sans que l’on puisse en espérer la fin. En cette journée presque estivale, je n’ai donc pas à me demander si j’y vais ou non, il n’a pas lieu.
Après un court passage au marché du Clos Saint-Marc où j’achète une part de couscous, je choisis d’aller boire un café à la terrasse de la Brasserie Paul, place de la Cathédrale, puis d’y lire Correspondance complète d’Arthur Schopenhauer, une l’édition critique intégrale publiée chez Alive.
Seule une table de quatre est occupée quand j’arrive. Après vérification de mon passe sanitaire j’obtiens rapidement un café à un euro quatre-vingt-dix. Accessoirement, je constate que mon odorat fonctionne bien grâce aux effluves d’ordures ménagères provenant des conteneurs enterrés entre cette terrasse et la Cathédrale.
-Ce n’est pas très malin d’avoir installé ces poubelles ici, dis-je à la serveuse.
-C’est aussi mon avis, me répond-elle.
Quatre femmes avec une moutarde d’un an qui piaille ne trouvent rien de mieux à faire que s’installer à la table voisine de la mienne, la « maman », la « mamie », la « tatie » et je ne sais qui (Où sont les hommes ?). Trois commandent un petit-déjeuner continental et la quatrième le bronche de chez Paul avec un croissant en plus. « Ave ave ave Maria », entend-on à travers les pierres de la Cathédrale, chanté par des voix féminines et joué à l’orgue.
« Je n’ai plus de croissants », revient dire la serveuse à la quatrième. Ce sont des touristes. D’autres s’installent peu à peu à d’autres tables. Cela conduit le service à être débordé. « Oui un petit moment, s’il vous plaît », déclare la serveuse à trois jeunes hommes qui veulent passer commande. Ils considèrent que c’est trop et s’en vont. Peu après, c’est un couple de quinquagénaires qui fait de même. « Pas de croissants et les cafés qui n’arrivent pas », peste l’homme auprès des quatre femmes à moutarde.
Justement, ils arrivent mais trop tard. La serveuse éberluée fait demi-tour avec son plateau. Les trois femmes à petit-déjeuner continental l’ont terminé que le bronche de la quatrième n’est pas encore arrivé. « C’est la cuisine qui le fait », se justifie la serveuse. Quel bazar, alors qu’à peine un tiers de la terrasse est occupé.
Soudain, un bruit de perceuse se fait entendre. Il provient d’un magasin voisin en travaux. Un commerçant, celui de la boutique Home Schmidt Home, n’hésite pas à faire travailler des ouvriers un dimanche, qui plus est le Quinze Août. Leur camionnette est immatriculée dans le Neuf Deux. Français ou étrangers, je ne sais.
Il est onze heures lorsque je quitte cette terrasse malodorante, bruyante et énervante. La messe se termine dans la Cathédrale. Deux soldats de l’opération Sentinelle sont en faction au pied de la tour Saint-Romain.
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La veille, c’est à la terrasse du Flo’s que je lis Schopenhauer. Plus tranquillement. A un moment passe un crieur de « Liberté » en chemin vers sa manif hebdomadaire. Il porte un panneau « Le virus, c’est l’Etat. Indignez-vous ».
Un anar qui va défiler avec des fachos. On vit une époque formidable, comme on disait au temps de Reiser.