A l’Ouest (vingt-sept) : un lundi à Lomener

18 juin 2024


Précipitations annoncées pour ce lundi alors pas de précipitation, j’attends huit heures pour sortir, pain au chocolat chez Le Goff et allongé au Parisien. « Moi clairement, le Smic à mille six cents euros, je ne peux pas, je serais obligé de licencier », dit le patron à un habitué. Son inquiétude n’a pas lieu d’être. Il est exclu que le Nouveau Front Populaire ait la majorité à l’Assemblée Nationale et donc son programme, c’est de la fiction.
Je prends le Té Quatre de huit heures trente pour Lomener. L’autocar est un moyen de transport éminemment proustien. Il tient de l’aéroplane et de la bicyclette et déplace lentement le voyageur au-dessus des enclos et des bocages. Les murs, les haies ne sont plus des obstacles. Le regard porte au-delà, là où se mêlent les pâturages et la mer, les arbres et les vagues. écrit Christian Péchenard dans Proust à Cabourg. Il en est ainsi de l’autobus Té Quatre quand il quitte la ville.
Une éclaircie inespérée à l’arrivée, dont je profite pour un café de bord de plage au Moulin Vert. Des retraités marcheurs à bâtons s’apprêtent à prendre le bateau pour se faire dracher sur l’île de Groix. Je m’attends presque à découvrir ma sœur parmi eux. Pourtant, je sais que c’est dans la presqu’île de Crozon qu’elle dépense son énergie en compagnie de son mari.
A dix heures et quart, il commence à pleuvoir. Sur la plage, des garçons venus de je ne sais où se rhabillent après une courageuse baignade. Je migre à l’intérieur de la brasserie qui ne manque pas de charme avec ses puits de lumière entourés de végétation tombante. C’est là que je termine Proust et son père.
Quand la pluie cesse, je marche jusqu’au bout de la digue. Elle est en principe interdite pour cause de détérioration mais la barrière a été mise de côté. Cette digue est un spot pour les photographes lors des tempêtes. L’un d’eux, Jean Libert, y a même saisi une dame blanche. Si lui la voit sur sa photo, pas moi.
Pour attendre midi, je vais m’asseoir sur un banc face au Port. A peine y suis-je qu’arrive un homme qui me demande s’il peut. Je lui fais de la place et ça ne loupe pas, il sort son téléphone et raconte qu’il a plu et qu’il ne pleut plus et cela de plus en plus fort. Je me lève en maugréant et vais m’asseoir plus loin sur le rebord en pierre. Une femme s’installe à deux mètres de moi. « J’espère que vous n’allez pas téléphoner », lui dis-je et je lui raconte l’autre abruti. On parle ensuite de la situation actuelle. Soudain arrive l’abruti. C’est un ami à elle. Il me dit qu’il s’excuse etc. Je lui réponds que c’était avant qu’il fallait prendre en considération son voisin puis je souhaite une bonne journée à la femme et entre au Moulin Vert pour déjeuner.
Dans le menu de la semaine, je choisis l’entrée plat à vingt-deux euros : wrap au saumon fumé, tzatziki, sucrine, perles de yuzu et pastilla de noix de joues de bœuf semoule au raisin, tajine de légumes. C’est fort bon. J’ai à tribord le marché hebdomadaire qui n’attire pas la foule et droit devant le Port. Entre ce dernier et moi, la table d’une famille où la mère sort son gros sein pour allaiter le petit dernier. Heureusement, elle me tourne le dos et je ne vois rien.
Je bois le café bien abrité de la pluie qui a repris sous l’auvent du Baradoz, le troquet du pays (un euro soixante). « Le temps n’est pas propice », se lamentent des commerçants du marché qui dépensent une partie de leur bénéfice dans des pintes à la table d’à côté. C’est ici que, sans changer de livre, je commence Proust et Céleste.
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Notre-Dame de la Garde, l’église de Lomener, est une ancienne conserverie à sardines, apprends-je du panneau explicatif sur le trottoir d’en face.