L’important, c’est de ne pas participer. Ce jeudi du débarquement de la flamme à Lorient, cap sur Port-Louis. A sept heures neuf, le bus Onze n’est pas encore bloqué. Il me mène au bateau-bus Bé Deux qui sous le soleil fait la courte traversée du Port de Pêche à la rive d’en face. Parmi les passagers, des navetteurs dont un prof qui aperçoit certains de ses élèves au débarcadère prêts à faire le chemin dans l’autre sens. « Qu’est-ce qu’on met comme raison dans ce cas-là ? lui demande une connaissance. Veuillez excuser l’absence de mon fils pour cause de flamme ? »
A la terrasse ensoleillée du Penalty certains parmi les habitués ne sont même pas au courant qu’aujourd’hui c’est le jour de la flamme de l’autre côté de l’eau. J’y déjeune en terrasse d’un pain au chocolat acheté chez Denigot dans la Grande Rue (un euro quinze dans une boîte à sous) et d’un allongé accompagné d’un spéculoos.
Ce jeudi matin, je prends le bourg par le travers pour découvrir l’autre côté de la presqu’île, celui qui fait face à l’extrême presqu’île de Gâvres qui ne tient au continent que par un fil de sable.
Je franchis le rempart par la Porte Sardinière pour emprunter la Promenade du Lohic, un délicieux chemin entre le rempart et la mer avec vue sur Gâvres. J’en ressors par la Tour des Prisonniers en face de laquelle est le Parc à Boulets, désormais une pelouse entourée d’une muraille. Protégé des regards par celle-ci, je fais pipi sur le gazon. En remontant vers l’église Notre-Dame je rencontre la Fontaine et le Lavoir des Récollets, monument en granit datant du dix-septième siècle.
Devant Notre-Dame est un grand bar tabac, le Café du Commerce, où l’on tient des conversations de Café du Commerce. « T’as vu en Normandie, un qui se marie à cent ans avec une de quatre-vingt-seize ans, c’est n’importe quoi. On voit des choses ! » Rien d’étonnant à ce qu’on y discute ensuite des mérites comparés de Marion et de Marine. Cela sur fond de musique militaire de la célébration du quatre-vingtième anniversaire du Débarquement diffusée à la télé. Je prends place à l’une des tables au soleil pour un nouvel allongé et lire la suite de Proust à Cabourg. Ce n’est qu’à partir d’onze heures qu’apparaissent les touristes à Port-Louis « Petite Cité de Caractère », des retraités, certains en groupe avec guide, désireux de s’instruire encore un peu avant de mourir.
Grande Rue est aussi Il Pirata « pizzas au feu de bois » à la petite terrasse au soleil où à midi je mange sans voisinage une pizza Frégate (tomate cantal olives anchois) avec un verre de vin rouge pour quinze euros soixante.
Le dessert, je l’achète à la boulangerie Denigot, un gâteau breton au caramel à deux euros cinquante. Je le découvre excellent quand je le mange au Café du Commerce avec un allongé verre d’eau, le plus loin possible d’un duo d’alcoolisés qui parlent d’un qui n’a pas eu la carrière qu’il méritait, celui qui jouait du piano avec sa bite. La Police Municipale passe rappeler le bon alignement des chaises de la terrasse mais ne trouve rien à redire au fait que les deux déjà saouls viennent d’être resservis en bière.
Je lis là jusqu’à ce que ce soit bientôt « l’enterrement de tu sais qui » en prévision duquel s’assemblent des vieilles et des vieux devant Notre-Dame. Je rejoins alors l’embarcadère pour y prendre le prochain bateau-bus. En une demi-heure exactement, je rentre à mon logis temporaire au centre de Lorient.
*
J’ai beau chercher dans ma faible mémoire, je ne me souviens pas de Port-Louis. Peut-être n’y suis-je jamais passé malgré mes multiples séjours en Bretagne pour la raison qu’en voiture il faut aller chercher loin le pont sur le Blavet qui permet d’entrer sur la presqu’île.
*
A mon retour à Lorient, c’en est fini depuis longtemps de la procession du Saint-Sacrement. A la fin de son parcours de cinq kilomètres, la flamme est arrivée devant la Mairie où l’attendaient près de trois mille écoliers.
S’il est une chose que je ne supporte pas, c’est que l’on utilise les enfants des écoles lors des opérations de fanatisation.
*
(En vérité du temps du Magasin j'étais heureux debout dans la rue à vendre des disques d'occasion et à regarder passer les filles) Ben, qui s’est suicidé mercredi à Nice, à l’âge de quatre-vingt-huit ans, le lendemain de la mort subite de sa femme Annie dont il était inséparable.
A la terrasse ensoleillée du Penalty certains parmi les habitués ne sont même pas au courant qu’aujourd’hui c’est le jour de la flamme de l’autre côté de l’eau. J’y déjeune en terrasse d’un pain au chocolat acheté chez Denigot dans la Grande Rue (un euro quinze dans une boîte à sous) et d’un allongé accompagné d’un spéculoos.
Ce jeudi matin, je prends le bourg par le travers pour découvrir l’autre côté de la presqu’île, celui qui fait face à l’extrême presqu’île de Gâvres qui ne tient au continent que par un fil de sable.
Je franchis le rempart par la Porte Sardinière pour emprunter la Promenade du Lohic, un délicieux chemin entre le rempart et la mer avec vue sur Gâvres. J’en ressors par la Tour des Prisonniers en face de laquelle est le Parc à Boulets, désormais une pelouse entourée d’une muraille. Protégé des regards par celle-ci, je fais pipi sur le gazon. En remontant vers l’église Notre-Dame je rencontre la Fontaine et le Lavoir des Récollets, monument en granit datant du dix-septième siècle.
Devant Notre-Dame est un grand bar tabac, le Café du Commerce, où l’on tient des conversations de Café du Commerce. « T’as vu en Normandie, un qui se marie à cent ans avec une de quatre-vingt-seize ans, c’est n’importe quoi. On voit des choses ! » Rien d’étonnant à ce qu’on y discute ensuite des mérites comparés de Marion et de Marine. Cela sur fond de musique militaire de la célébration du quatre-vingtième anniversaire du Débarquement diffusée à la télé. Je prends place à l’une des tables au soleil pour un nouvel allongé et lire la suite de Proust à Cabourg. Ce n’est qu’à partir d’onze heures qu’apparaissent les touristes à Port-Louis « Petite Cité de Caractère », des retraités, certains en groupe avec guide, désireux de s’instruire encore un peu avant de mourir.
Grande Rue est aussi Il Pirata « pizzas au feu de bois » à la petite terrasse au soleil où à midi je mange sans voisinage une pizza Frégate (tomate cantal olives anchois) avec un verre de vin rouge pour quinze euros soixante.
Le dessert, je l’achète à la boulangerie Denigot, un gâteau breton au caramel à deux euros cinquante. Je le découvre excellent quand je le mange au Café du Commerce avec un allongé verre d’eau, le plus loin possible d’un duo d’alcoolisés qui parlent d’un qui n’a pas eu la carrière qu’il méritait, celui qui jouait du piano avec sa bite. La Police Municipale passe rappeler le bon alignement des chaises de la terrasse mais ne trouve rien à redire au fait que les deux déjà saouls viennent d’être resservis en bière.
Je lis là jusqu’à ce que ce soit bientôt « l’enterrement de tu sais qui » en prévision duquel s’assemblent des vieilles et des vieux devant Notre-Dame. Je rejoins alors l’embarcadère pour y prendre le prochain bateau-bus. En une demi-heure exactement, je rentre à mon logis temporaire au centre de Lorient.
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J’ai beau chercher dans ma faible mémoire, je ne me souviens pas de Port-Louis. Peut-être n’y suis-je jamais passé malgré mes multiples séjours en Bretagne pour la raison qu’en voiture il faut aller chercher loin le pont sur le Blavet qui permet d’entrer sur la presqu’île.
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A mon retour à Lorient, c’en est fini depuis longtemps de la procession du Saint-Sacrement. A la fin de son parcours de cinq kilomètres, la flamme est arrivée devant la Mairie où l’attendaient près de trois mille écoliers.
S’il est une chose que je ne supporte pas, c’est que l’on utilise les enfants des écoles lors des opérations de fanatisation.
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(En vérité du temps du Magasin j'étais heureux debout dans la rue à vendre des disques d'occasion et à regarder passer les filles) Ben, qui s’est suicidé mercredi à Nice, à l’âge de quatre-vingt-huit ans, le lendemain de la mort subite de sa femme Annie dont il était inséparable.