A l’Ouest (dix-neuf) : Port-Louis et vote Glucksmann

10 juin 2024


Le dimanche, pour rejoindre Port-Louis, il faut prendre le bateau-bus Bé Cinq. Celui-ci part du quai des Indes et va d’abord à Pen Mané (commune de Locmiquélic). Le retour se fait de même, départ de Port-Louis La Pointe, escale à Pen Mané, arrivée au quai des Indes. Le premier départ est à neuf heures quarante-cinq. Cela me laisse largement le temps d’aller petit-déjeuner.
Il est sept heures quinze quand je sors. Sous un beau ciel bleu, les goélands se battent pour les poubelles renversées par les paumés du petit matin. Jamais encore je ne suis arrivé si tôt au Halles de Merville. J’achète un pain au chocolat à l’une des boulangeries et m’installe au boit-debout de Café d’Oriant. La gérante me propose un café filtre. Comme je ne sais pas ce que c’est, j’accepte. Je trouve le goût de ce breuvage un peu bizarre mais je ne le lui dis pas. Je n’y connais rien en café. L’important pour moi, c’est qu’il soit noir et chaud. « Juste après tes huîtres, t’as pas encore tes moules, c’est le moment de partir en vacances », c’est le conseil judicieux de la marchande de poissons à son voisin le producteur de la ria d’Etel.
Sur le chemin de retour vers mon logis temporaire, je photographie l’Hôtel de Ville, près duquel est installé un panneau fléché pour guider les futurs votants, puis le Théâtre de Lorient, dont l’oiseau de la façade se reflète dans la verrière, enfin l’'église Notre-Dame-de-Victoire, proche de mon studio Air Bibi. Elle s'inspire de l'art néo-byzantin. C’est la plus importante de la ville, commencée en mil neuf cent cinquante-trois par l'architecte Jean-Baptiste Hourlier. Comme je la trouve ouverte à huit heures du matin, j’y entre et découvre sa large coupole de vingt-quatre mètres de diamètre surplombant une nef à vingt-six mètres de hauteur. Enfin une église bretonne qui ne soit pas aussi sombre qu’un tombeau.
Quand j’arrive à l’embarcadère du quai des Indes, en avance, il y a déjà là au moins dix présents dont une majorité de bicyclistes. C’est Le Kerpont qui est de service, le plus grand des bateau-bus. Il dispose de toilettes. « Toilette interdite au port » est-il écrit sur la porte, ce qui est un peu inquiétant. Cette traversée de la rade prend vingt-cinq minutes et permet de voir de prés l’île inhabitée Saint-Michel et les grues du Port de Commerce.
A la boulangerie Denigot j’achète un sandouiche Pêcheur (thon guacamole œuf tomate salade). Il est fait à la demande. La jeune et gentille vendeuse me dit d’aller l’attendre dehors, elle va me l’apporter ainsi que le far aux pruneaux (six euros pour le tout). Pendant que je patiente, la file d’attente extérieure s’allonge jusqu’à atteindre trente personnes.
Sans attendre qu’il soit midi, je m’installe pour déjeuner sur un banc de la Promenade du Lohic, face à Gâvres, pestant contre des aboiements de chiens qui proviennent de là-bas. Un vieil autochtone à canne me demande s’il peut s’asseoir au bout de mon banc. « C’est joli ici, me dit-il, par contre ce qui est un peu chiant, c’est les chiens en face. » « Comme vous dites, c’est un peu chiant. » Il m’explique que c’est l’entraînement des chiens sauveteurs, on ne peut rien dire, c’est utile.
Vers midi, je me rends au Café du Commerce pour un café verre d’eau lecture que je fais durer puis je le répète au Terminus.
Je choisis de rentrer au quai des Indes avec le bateau Bé Cinq de treize heures quarante-cinq. Il est lui aussi envahi par des bicyclistes. Je me demande ce qu’ils feraient de leur dimanche s’ils n’avaient pas ces machines. Ce sont leurs engins qui les promènent, comme les chiens promènent leurs propriétaires.
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« Quant à mon choix de vote, ce sera la liste Raphaël Glucksmann. Je vous le confirmerai la veille de l’élection. » écrivais-je le douze mars à celui qui venait d’accepter de voter une deuxième fois pour moi aux Elections Européennes.
Ce vote par procuration a eu lieu dimanche matin mais ça n’a pas été simple, comme me l’écrit mon mandataire : « Après 45 minutes d’attente parce que votre procuration n’avait pas été saisie (il a fallu appeler les services du tribunal, etc…), j’ai pu voter. Le registre a été signé sur votre nom avec ma signature en rouge. »
Ça me désole qu’il ait dû perdre tout ce temps. D’autant que pendant ce temps-là, je me la coulais douce.
Conclusion, quand je donnerai à nouveau procuration, je m’assurerai avant le jour du scrutin que l’administration a fait correctement son boulot.
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C’est la première fois depuis l’origine de cette élection que je ne vote pas pour la liste des Ecologistes. Pour plusieurs raisons, mais la goutte d’eau qui a fait déborder la vase est le communiqué de presse du sept septembre deux mille vingt-trois : « Europe Écologie-Les Verts exprime son opposition à la décision superfétatoire prise par le ministre de l’éducation nationale de l’interdiction du port des abayas à l’école. »
Cet abandon du principe de laïcité, accompagné de la malhonnêteté intellectuelle consistant à ne parler que de l’abaya des filles en omettant volontairement le qamis des garçons (ce vêtement si peu religieux qu’ils ne le mettaient à l’école que le vendredi), m’a fait leur tourner le dos (et il en sera ainsi à l’avenir, sauf revirement de leur part).
En conséquence, pour voter pro européen de gauche et pour une liste qui fera plus de cinq pour cent, il n’y avait que ce choix. Par ailleurs, j’aime bien Glucksmann, le bonhomme et les idées qu’il défend.
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Après les résultats qu’avaient prévus les sondages, c’est le jeu avec le feu d’Emmanuel Macron. Cette fois, je voterai moi-même.