A l’Ouest (dix) : Saint-Quay haute mer

4 juin 2023


Quand j’arrive au Mustang, ce samedi matin, j’en vois sortir une superbe fille en tenue de motarde, casque sous le bras, qui n’est autre que la serveuse qualifiée de pineupe par une cliente hier, c’est-à-dire la fille du patron. Lui aussi a une moto.
-Vous les rangez où la nuit ? lui demande l’habitué en chef.
-A l’intérieur du café, lui est-il répondu.
Lui-même en a eu une autrefois, qu’il rangeait dans sa cuisine. Aujourd’hui, il a d’autres soucis. Des sangliers labourent ses deux hectares. Il a acheté un bidon de goudron, soixante euros quand même, pour en répandre un peu partout. Les sangliers détestent cette odeur. Avec ça, tu es tranquille pour six mois.
Le ciel est à nouveau gris et le vent froid souffle toujours. Arrivé sur le sentier, je constate que la mer est encore plus haute qu’hier. La piscine, submergée par les vagues, change son eau. L’île de la Comtesse mérite totalement son nom. Tous les bateaux flottent dans le Vieux Port du Portrieux.
Malgré la fraîcheur, je reste à lire en terrasse après avoir bu mon café du Poisson Rouge. Ce temps frisquet désole mes voisins, deux marins. Ils parlent d’un voilier parti de l’Arcouest pour se rendre à l’Armada de Rouen et qui a envoyé des images de sa navigation particulièrement secouée. Vers dix heures et demie je dois lever le camp car la température baisse.
Après avoir retenu une table aux Plaisanciers, je suis contraint de me réfugier à l’intérieur de L’Ecume jusqu’à midi. Filet mignon aux champignons avec gratin de pommes de terre, tel est le plat du jour. La salle où je mange est emplie d’autochtones qui sont peut-être tous plus âgés que moi. A l’un d’eux, son voisin doit couper sa viande. Un trio détonne, composé d’un quinquagénaire qui doit être le père de l’un des deux autres, un couple de trentenaires. « Ah bah non, je vivrai pas jusqu’à quatre-vingts ans, déclare la jeune femme sensible à ce qui l’environne, déjà si j’arrive à soixante… ».
Comme hier, le ciel se dégage vers treize heures. Ce qui me permet de m’installer à une table haute du Café de la Plage pour un café lecture. J’y reste jusqu’à l’arrivée des invité(e)s d’un mariage, essentiellement de jeunes militaires à cordons et médailles. Ces uniformes d’apparat ont tellement l’air d’uniformes d’opérette que je me demande si ce sont des vrais, une question à ne pas leur poser. Ce qui est certain, c’est que, vêtu comme je suis, on ne peut me prendre pour un invité de la noce.
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Je ne suis quand même pas dans le même état que Karen Blixen en mil neuf cent vingt-cinq : Comme je suis fort mal habillée, avec mes chaussures percées et me vêtements en lambeaux, – ce qui, je crois, m’a valu d’être regardée quelque peu de travers par la patronne de l’hôtel, – je suis surtout restée sur la rive gauche de la Seine… (dans une lettre à sa mère).