A l’Ouest : Loguivy-lès-Lannion

6 septembre 2020


Ce samedi, par le Téheuherre BreihzGo sans contrôleur, me voici reparti à Lannion. A l’arrivée, je rejoins le bord du Léguer et c’est le début d’une marche de plus de trois kilomètres pour rejoindre en suivant le fleuve, par un sentier estampillé Grande Randonnée, le village de Loguivy-lès-Lannion.
Ce chemin est tranquille et même désert. La seule maison qui borde la route parallèle au chemin et à la rivière est inhabitée depuis longtemps. En revanche, un peu plus loin, une station d’épuration tourne à fond. Je suis fort content de m’en éloigner, et encore plus de franchir le panneau d’entrée du village. La route alors se met à grimper sur la gauche et au bout de cent mètres je suis devant ce qui m’amène ici : une magnifique chapelle à enclos paroissial.
Au pied des marches, je suis accueilli par la statue-fontaine de Saint Ivy puis je pénètre dans l’enclos par une porte de style flamboyant. Dans le cimetière, une autre fontaine Renaissance est à l’arrêt. Cette église a été construite en mil quatre cent cinquante. Elle possède un clocher-mur avec escalier sur le côté. Je la photographie sous toutes ses coutures. A l’intérieur, me dit mon Guide du Routard Bretagne Nord de deux mille six, on peut voir « un splendide retable des Rois mages » mais la porte est fermée.
Sur l’une des tombes du cimetière, un objet attire mon attention. Il s’agit d’un boîtier marqué Disto, en quoi je reconnais un télémètre laser. Un professionnel étourdi, après avoir près des mesures funéraires, l’aura oublié. Il a subi la pluie de cette nuit. Que faire ? Je ne peux prévenir personne. Il n’y a près de cette église que quelques maisons où l’on semble dormir en ce samedi matin. Que Saint Ivy veille sur lui.
Redescendu au bord du Léguer, je vois arriver une voiture de la Police. N’écoutant que mon civisme, je lui fais signe. Elle s’arrête à mon côté. La passagère baisse sa vitre. Je lui explique, et au chauffeur,  l’objet oublié et où le trouver, « si vous désirez y passer ».
-D’accord, merci, me dit-elle avec un grand sourire que je ne sais comment interpréter.
Ce véhicule de la Police me dépasse alors que je suis à mi-chemin du retour. Y sont-ils allés ? Le mystère reste entier (comme on dit).
A l’arrivée à Lannion, j’en ai plein les chaussures. Celles-ci sont neuves et ont du mal à accepter mes pieds. Le pont de Viarmes me permet d’atteindre directement le restaurant Le Bornéo. J’y réserve la même table en terrasse qu’il y a deux jours puis vais boire un café un peu plus loin à celle de L’Excellent, un troquet qui n’a pas peur des mots. J’y lis Léautaud jusqu’à l’heure du déjeuner.
A midi dix, je retrouve le sympathique serveur « Alors, ça va vos vacances ? » et opte pour le menu du jour qui est proposé même le samedi : salade de crevettes et mandarines, escalope de mignon de porc sauce moutarde frites, creumebeulle pomme et poire, avec un quart de merlot et un café pour finir. Aux autres tables, ce sont des couples de retraités.
Si le serveur me fait penser au garçon de café qui joue à être un garçon de café de Sartre, le film dans lequel jouent ces couples usés relève de la tragédie matrimoniale. C’est long un repas où l’on n’a pour échapper au silence de l’autre que l’étude du set de table publicitaire. Cette fois, mon addition dépasse de peu les vingt euros.
Ce n’est pas encore aujourd’hui que je verrai le centre de Lannion. Je traîne mes pieds jusqu’à la boulangerie située en face de la Gare. On y sert aussi le café verre d’eau en terrasse. J’y poursuis la lecture des lettres de Léautaud. A la table voisine est une fille qui finit par sortir un livre de son sac. C’est un poche avec le nom de l’auteur écrit en gros et en bleu. Son prénom est Constantin, je n’en saurai pas plus. Il y a longtemps que je ne prends plus le risque de demander à une fille ce qu’elle lit.