A Saint-Etienne-du-Rouvray pour la cérémonie d’hommage à Jacques Hamel, prêtre assassiné

29 juillet 2016


Ne connaissant de Saint-Etienne-du-Rouvray que sa salle de concert Le Rive Gauche et son parc à vide grenier Henri Barbusse, je téléphone ce mardi matin à la Mairie afin de savoir comment rejoindre le parc omnisports Gagarine où à dix-huit heures aura lieu la cérémonie d’hommage à Jacques Hamel, le prêtre assassiné. Il faut prendre le Effe Trois, me dit-on, mais avec le périmètre de sécurité, il risque d’être détourné.
L’ouverture des portes du parc étant prévue pour dix-sept heures, je choisis le bus de seize heures que j’attends au coin du pont Corneille. « Je suis le dernier à aller au parc Gagarine », me dit le chauffeur. Après, les bus seront détournés par le boulevard Industriel, loin de tout.
C’est la deuxième station mais les places assises sont déjà toutes occupées par un centre de loisirs. Je fais donc tout le voyage debout dans ce bus bientôt surchargé, non pas par des personnes allant au même endroit que moi mais par des usagers habituels dont plusieurs femmes à poussette.
Je m’en extrais à Gagarine et contourne le parc qui est cerné par les Céhéresses et des Policiers aux armes imposantes. A l’une des portes d’entrée du public, une dame me montre la rue qui me permettra à l’issue de rejoindre le lointain métro.
Ce sont les vigiles d’Universal Security, habitués des concerts, qui sont chargés du palpage, et ils le font jusqu’aux chaussettes. La scène est aussi celle des gros concerts en plein air. S’y trouvent des rangées de chaises, un micro et le portrait de Jacques Hamel sur un chevalet. Plutôt que de m’approcher, je choisis de rester en arrière contre un platane avec vue sur l’ensemble du site, dont la plate-forme où sont installées les caméras des télés. D’autres porteuses ou porteurs de caméras et micros se baladent dans la foule des arrivants, fondant sur l’une ou sur l’un, avec une petite préférence pour qui semble musulman.
Celle qui finit par m’aborder n’a ni caméra ni micro, mais un carnet et un stylo. Cette jeune personne travaille pour le site de la télé publique, si je comprends bien. Je lui dis que je n’ai rien d’original à lui dire mais que je veux bien lui parler quand même. Il lui faut mon prénom et mon âge. Je réponds à ses questions puis c’est elle qui me raconte ce qu’elle ressent. Elle était à Nice et là-bas l’atmosphère est irrespirable, rien à voir avec ici où des personnes de toutes les origines sont réunies paisiblement. Cela va lui faire du bien d’écrire sur cet hommage.
-En ce moment, on a tous besoin d’un peu d’espoir, lui dis-je.
-Oui, me dit-elle et reprenant son stylo, je le note.
Plusieurs milliers de personnes sont présentes quand retentit le Requiem de Mozart, tout un peuple d’habitants de quartiers populaires. Quelques-uns sont restés à l’extérieur, appuyés aux grilles. Les Céhéresses les font reculer d’un mètre derrière un cordon rouge et blanc établi grâce à une rangée de platanes. Des politiciens et des autorités diverses s’installent sur la scène, rejoints par les représentants des cultes.
Hubert Wulfranc Maire de Saint-Etienne-du-Rouvray, Communiste, trouve les bons mots pour évoquer Jacques Hamel, son assassinat, le traumatisme vécu par les trois religieuses (qui sont présentes) et le couple de paroissiens (l’homme grièvement blessé est âgé de quatre-vingt-six ans). Il parle avec détermination, précision et émotion (je n’aime pas ce mot mais n’en ai pas d’autre), donne des pistes pour le futur, dans sa ville et au-delà. Il est très applaudi.
L’Archevêque de Rouen lui succède, mieux inspiré que lors de sa déclaration de Cracovie. Son propos n’étant pas uniquement tourné vers ceux qui croient, je peux me joindre aux applaudissements.
C’est ensuite la minute de silence puis retentit cette Marseillaise que je déteste et dont les paroles vont à l’encontre de ce qui a été dit précédemment.
-Courage. La cérémonie est terminée, déclare enfin Hubert Wulfranc.
J’imagine qu’il lui en faut à lui aussi, à lui surtout. Quelle vie doit être la sienne depuis ce mardi matin.
A la sortie, un homme en souhaite également à un Céhéresse qui lui répond d’un sourire. Muni de mon plan, je marche seul dans un quartier pavillonnaire, passe au bout de la rue Jacques Brel qui mène à un Centre Socioculturel Georges Brassens, longe des entreprises disséminées dans la forêt et au bout d’une demi-heure atteins la station de métro Technopôle, prochain départ dans quatre minutes.
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« En ce moment, on a tous besoin d’un peu d’espoir. » (Michel, soixante-cinq ans)