A Paris un mercredi de concert à Rouen

2 février 2017


Ayant acheté une place non numérotée pour le concert de Vincent Delerm (piano voix) ce mercredi soir, après avoir appris seulement ce mardi que le Cent Six (salle de musiques zactuelles) proposait désormais des concerts à l’Opéra de Rouen, remplaçant la stabulation libre dans son hangar par une confortable assise dans une vraie salle de spectacle, j’espère que mon train du retour de Paris ne sera pas de ceux qui arrivent en retard à Rouen et je ne peux m’empêcher d’être un peu inquiet à l'heure où je me lève.
Celui de l’aller, un sept heures cinquante-neuf, va bien son chemin. J’y commence la lecture des Lettres de Gertrud Kolmar, cousine de Walter Benjamin qui mourra à Auschwitz en mil neuf cent quarante-trois. Le préfacier, Hanns Zischler, a l’art de la concision quand il évoque la vie de l’écrivaine : Pendant la Première Guerre mondiale, Gertrud fait la connaissance d’un homme et de l’amour –ses parents l’obligent à avorter.
Ce soir j’ai peur affiche le titre de l’un des livres à un euro qui attire mon œil chez Book-Off. Il est signé Annie Saumont dont j’ai appris la mort ce matin avant de quitter la maison. Elle avait quatre-vingt-neuf ans. J’ai aimé les premiers textes de cette nouvelliste, réputée pour sa façon de narrer et son style, avant de m’en lasser. Au rayon des livres de poche, le titre d’un autre Annie Saumont se veut rassurant : C’est rien ça va passer.
Il fait bon dans la capitale. Cet avant-goût de printemps m’invite à aller de rue en rue pédestrement. Devant la Mairie du Onzième, j’échappe de peu à une embuscade tenue par un cameraman et un porteur de micro muni d’une photo en couleur du candidat écologiste pour la Présidentielle. « Bonjour, est-ce qui vous connaissez Yannick Jadot ? ». C’est une jeune femme d’origine asiatique, moins rapide que moi dans l’esquive, qui se fait attraper.
« Vous aimez les oiseaux, ne les nourrissez pas », m’enjoint la Mairie de Paris dans le square Maurice-Gardette où je m’assois quelque temps sur un banc en attendant midi et un déjeuner au Palais de Pékin.
Pas plus que dans le premier, on ne solde dans le second Book-Off. Cela me fait songer aux vêtements que je devrais avoir le courage d’aller acheter avant le vingt et un février.
Le train de dix-sept heures vingt-cinq, dans lequel je m’installe chargé de livres, part au moment indiqué mais il va de ralentissement en ralentissement et arrive à Rouen avec dix minutes de retard. Je n’ai que le temps de poser mes sacs à la maison et de boire un verre d’eau avant de filer à l’Opéra dont les portes doivent ouvrir dans un quart d’heure.
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Une bonne dose de patience et de la diplomatie, c’est ce qu’il a fallu à la guichetière du Cent Six quand j’y suis arrivé mardi après-midi énervé du manque d’information qui m’avait fait prendre un billet Prem’s pour Paris un jour où à Rouen se tiendrait un concert qui pouvait m’intéresser.
Le tort est partagé. Je ne me suis pas beaucoup soucié du programme du Cent Six ces derniers mois, n’en pouvant plus des concerts debout où l’on ne voit que les têtes de ceux qui sont devant, de qui il faut en plus subir les conversations et les photos ou filmages incessants.
-Si jamais votre train était vraiment en retard et que vous loupiez le concert, à titre exceptionnel, je vous rembourserais le billet, m’a-t-elle dit avec un grand sourire.