A Paris le mercredi, tant qu’à voir

25 janvier 2019


Comme on peut toujours compter sur les coïncidences, après mes examens oculaires je lis ce mardi soir sur le site du Parisien deux articles alarmistes consacrés au glaucome. L’un est intitulé Elisabeth Quin : « le glaucome est une maladie muette qui fait flipper », un entretien sur ce que vit cette présentatrice d’Arte et sur le livre qu’elle vient d’en tirer La Nuit se lève (Grasset), l’autre Glaucome : pourquoi le dépistage est important. Pour augmenter mon inquiétude, dans les livres que je feuillette ensuite dans mon lit je tombe plusieurs fois sur le mot aveugle.
Après une nuit passée à cogiter, j’entre chez Book-Off à dix heures précises grâce à un sept heures cinquante-trois Rouen Paris sans retard (campagne enneigée, gros embouteillage sur l’autoroute, un poil de soleil, lecture du Gustave Flaubert d’Albert Thibaudet enfin grisaille sur la capitale). Comme chaque mercredi, je tire des rayonnages des ouvrages que je ne connais pas pour savoir de quoi ils parlent. L’un est Le Hibou de Nissim Aloni (Viviane Hamy). « Les légendes courent : un hibou vieux de mille ans rendrait aveugle quiconque ose l’approcher. », lis-je en quatrième de couverture. Je repose ça vite fait. Il y a peu de monde mais deux autres acheteurs me collent et je ne me gêne pas pour leur montrer mon irritation. In petto, je surnomme l’un le Nabot et l’autre le Crevard. Je ne suis pas sympa en mon for intérieur.
Malgré ces désappointements, l’escale m’est consolatrice. Tandis que les Beatles interprètent des chansonnettes du temps de l’insouciance, je mets quelques livres à un euro dans mon panier bleu, dont la réédition par La Bourdonnaye de Petites et grandes filles de Fuckwell, l’un des nombreux pseudonymes d’Alphonse Momas, fonctionnaire à la Préfecture de la Seine, théosophe et pornographe à publications clandestines de la fin du dix-neuvième siècle.
Autre escale consolatrice, Le Rallye, Péhemmu chinois où je rends à la gentille serveuse le stylo prêté il y a deux semaines et lui commande « comme d’habitude ». Pas loin de ma table sont les femmes de magasin dont les plats commandés par téléphone sont sur table à leur arrivée à midi pile. « Elle a sept ans, elle pisse partout, ça me gonfle, elle est jalouse de ma fille, du coup la nuit, je la laisse dehors », raconte l’une (elle parle de sa chienne). Celle qui a demandé une salade se bourre ensuite de pain. Au comptoir un joueur stressé est heureux de regagner les trois euros qu’il vient de dépenser. Je sors ma carte bancaire pour régler mes dix-huit euros quarante. « Sans contact ? » me demande la gentille serveuse. Il le faut bien.
Il pleuvouille à la sortie. C’est en métro que je rejoins le Centre Pompidou où m’attire le concert du Luo Ning Trio programmé en avant-première du Nouvel An chinois.
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Albert Thibaudet dans son Gustave Flaubert (Tel/Gallimard) : Ce n’est que par les Fleuriot-Cambremer que Flaubert est Normand, bourgeois bourgeoisant de ce pays où il a constamment vécu, dont il s’est imprégné de partout, tant par la curiosité artistique qui l’inclinait vers lui que par les colères qui le levaient contre lui.
Je ne peux décemment accuser Thibaudet de m’avoir piqué ce « bourgeois bourgeoisant », la première édition de son livre date de mil neuf cent trente-cinq.